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UNE
AME CHRETIENNE
DANS LA VIE DU MONDE

Madame Swetchine, sa Vie et ses Œuvres, publiées par M. le comte de Falloux.

L’Académie Française convoquait, il y a peu de mois, le public de Paris à une solennité qui excitait une grande attente, et qui ne l’a pas trompée. Les mérites les plus divers dont notre société peut se glorifier, tous les contrastes dont elle est pleine semblaient s’être donné rendez-vous à l’Institut. Un protestant qui fut deux fois premier ministre recevant un moine qui fit partie d’une de nos assemblées révolutionnaires, l’éloge d’une nation née d’hier et d’une forme politique toute moderne dans la bouche d’un fils de saint Dominique, l’éloquence de la tribune mise en parallèle avec celle de la chaire et se trouvant cette fois, par extraordinaire, plus classique et moins fougueuse que sa rivale, enfin, pour animer des paroles si différentes, un même sentiment d’honneur et de liberté, — rien ne pouvait manquer à l’intérêt d’une telle scène. Je suis sûr pourtant qu’un vide douloureux s’est fait sentir ce jour-là dans l’âme d’un des orateurs et de beaucoup des assistans. Entre le père Lacordaire et le publiciste éminent dont il racontait les mérites, un lien existait, le seul qu’eût permis l’éloignement de leurs destinées : c’était une amitié commune et pareillement chère. Aux sources de cette amitié bienfaisante, ils étaient venus puiser, l’un les inspirations de sa jeunesse, l’autre les consolations de ses derniers jours. C’est