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En dehors du groupe de M. Cavelier et des statues sculptées par MM. Perraud et Thomas, qu’y a-t-il dans l’exposition de sculpture qu’on ne puisse rigoureusement passer sous silence ? Un groupe, Hora aurea, ingénieusement composé par M. de Vauréal, — une Nyssia au Bain, une Femme ornant de peintures un vase étrusque, ajustées avec goût par MM. Aizelin et Symian, — une Pandore, que le nom de l’auteur, M. Loison, recommande plutôt que le mérite de l’exécution même, — une Suzanne où M. Cabet prouve son adresse à travailler le marbre, mais où il ne laisse pas de révéler aussi ces inclinations à la coquetterie que M. Clésinger ne songe nullement à dissimuler dans une Cornélie avec ses Enfans, placée en regard de la Cornélie de M. Cavelier ; — quelques figures encore où l’habileté de la main se fait sentir, à défaut d’imagination ou de science très profonde ; dans la sculpture de portrait, plusieurs morceaux sagement traités par MM. Crauk, Oliva, Iselin, Dieudonné, Roubaud jeune et quelques autres, un agréable buste de femme par M. Adam Salomon, et le portrait de M. Barrias par un sculpteur portant le même nom que le modèle. Il y a dans ce dernier ouvrage, dans cet essai probablement d’un débutant, un très vif sentiment de la physionomie, quelque chose aussi de la manière toute française dont Houdon et les sculpteurs portraitistes du dernier siècle nous ont légué la tradition. — Faut-il enfin, dans une autre série de travaux, citer, accepter même, les bizarreries de type ou de costume que M. Cordier et ses imitateurs nous offrent avec une libéralité déjà prodigue, — nègres et négresses, capresses, palikares, chefs indiens, et bien d’autres curiosités du même ordre, — sans compter les étranges personnages de l’Amérique du Sud que M. Rochet a groupés au pied de sa statue colossale de Dom Pedro Ier ? La mode est maintenant à ces laideurs humaines comme elle était, il y a quelques années, à l’imitation des œuvres de M. Barye, avec cette différence toutefois que celui-ci choisissait dans la nature des modèles dignes de l’art, qu’il les interprétait en maître, et que les novateurs actuels ne prétendent apparemment qu’étonner le regard sans se préoccuper d’ailleurs du soin de le charmer.

Au moment de terminer cette revue du Salon de 1861, avant de clore une étude que nous avons écrite sans parti-pris de pessimisme, mais avec une tristesse véritable, car l’abaissement des tendances est partout manifeste, résumons en peu de mots les souvenirs que laissent dans l’esprit ces quatre mille objets d’art et les jugemens qu’ils autorisent à porter. Un seul maître ou, si l’on veut, un seul talent achevé, M. Flandrin, quelques talens au moins en péril, comme MM. Gérôme et Hébert, ou en lutte, comme M. de Chavannes, avec l’insuffisance du savoir, des espérances trompées ou des promesses