Page:Revue des Deux Mondes - 1861 - tome 33.djvu/892

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

d’une admiration unanime, il n’en est guère qui ne nous semblent confirmer l’opinion que nous exprimions tout à l’heure. Cette année encore, si beaux que soient les quatre portraits d’hommes exposés par M. Flandrin, aucun, à notre avis, ne résume aussi bien les qualités de sa manière qu’un portrait de femme où l’harmonie est complète entre la vraisemblance et la délicatesse du style, entre la précision du dessin et la souplesse du coloris : œuvre profondément savante sous les dehors de la simplicité, familière dans l’attitude, dans l’ajustement, dans les détails de la physionomie, mais ennoblie partout par l’expression d’une vérité d’élite et par ce goût pittoresque qui ne s’annihile pas plus devant le fait qu’il n’en récuse imprudemment l’autorité.

Le portrait du prince Napoléon est un témoignage de plus de cette rare habileté à concilier avec les exigences de l’art les conditions du vrai et à formuler fidèlement la ressemblance sans se complaire dans l’imitation mesquine. Rien de moins emphatique, mais aussi rien de moins aride que l’apparence de cette toile, rien qui compromette la gravité nécessaire de l’aspect ou qui transforme une représentation de la réalité contemporaine en une image de convention. Le portrait du prince Napoléon, malgré la simplicité du costume, laisse deviner le haut rang du modèle, comme l’attitude choisie et le modelé des formes que recouvrent les vêtemens révèlent les habitudes du corps et les caractères du tempérament. Peut-être même le mérite principal de l’œuvre consiste-t-il dans cette justesse du mouvement, dans ce dessin général qui convainc tout d’abord le regard ; peut-être, en comparaison des autres ouvrages de M. Flandrin, l’exécution partielle n’a-t-elle ici qu’une finesse un peu inachevée, une précision un peu incomplète. Vu à une certaine distance, le tableau est d’une vérité saisissante : examinés de près, les traits du visage semblent attendre encore quelques travaux qui achèveraient non d’en installer les contours, mais d’en développer ou d’en assouplir l’expression. — Dans le portrait d’un jeune homme vu de face, dans celui de M. Gatteaux, et surtout dans le portrait de M. le comte Duchâtel, — morceau supérieurement dessiné, auquel on pourrait reprocher seulement un certain défaut d’harmonie entre le ton de quelques accessoires et ce ton vert du fond que M. Flandrin étend trop invariablement derrière ses modèles, — rien ne se retrouve de cette imitation sommaire, de ces procédés d’exécution un peu hâtifs. Tous les détails de la physionomie y sont rendus sans minutie, mais avec une netteté parfaite ; tout y annonce la clairvoyance, l’étude consciencieuse, et cette imperturbable loyauté qui est la qualité distinctive et la marque du talent de M. Flandrin : qualité de famille d’ailleurs plutôt que privilège, et qu’à l’exemple de son aîné M. Paul Flandrin apporte dans l’accomplissement de toutes