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compte bien moins de quelques exclusions qu’il a pu prononcer dans un moment de distraction où de fatigue que de tant d’ouvrages médiocres trop complaisamment accueillis. Il serait temps qu’une séparation s’établît entre les essais qui sollicitent l’attention et les travaux achevés qui la commandent, entre les apprentis et les maîtres, entre une hospitalité de hasard et celle qui confère déjà en soi un honneur et une récompense. Le Salon, quoi qu’on en puisse dire, n’est pas plus fait pour abriter les produits de toute valeur et de toutes mains que l’Institut n’est fait pour les ébauches littéraires ou scientifiques, le Théâtre-Français pour les vaudevilles ou l’Opéra pour les chansons. Il n’appartient pas à l’administration sans doute de le peupler invariablement de chefs-d’œuvre : elle a le pouvoir toutefois d’en interdire l’accès aux faux talens, d’y réunir, faute de mieux, des œuvres estimables, et, ne fût-ce que par la fixation d’une quotité légale, de réduire au moins de moitié le chiffre des admissions fâcheuses ou inutiles.

Le Salon de cette année, où le nombre des objets exposés équivaut, le croirait-on ? au total des œuvres que comprenaient, au commencement de ce siècle, cinq expositions successives, le Salon de cette année démontre de reste l’opportunité d’une mesure qui, en limitant les droits de chaque artiste, épargnerait au jury une besogne stérile et aux spectateurs la satiété. Parmi les peintres dont les noms sont inscrits au livret, beaucoup ont fourni un contingent qui varie de six à huit tableaux ; plusieurs ont envoyé dix ou douze ouvrages : à quelques-uns même ce chiffre n’a pas suffi. Sans examiner si la fécondité n’est pas le plus souvent ici en raison inverse du mérite, on peut affirmer qu’aucun talent n’a besoin, pour nous initier à ses secrets, de multiplier à ce point les aveux. Il serait donc oiseux de s’arrêter, en examinant le Salon, devant cette multitude de toiles sans signification propre, sans formes d’expression imprévues, œuvres honnêtes, convenables, mais dont on croit se souvenir même en les rencontrant pour la première fois. Ce qu’il importe seulement de rechercher, ce sont les gages ou les promesses d’une habileté sérieuse et personnelle, ce sont aussi les erreurs qui peuvent séduire par leur audace même et susciter pour les esprits un péril là où il n’y a en réalité qu’une aventure pour les yeux et un défi. Telle est la préoccupation qui domine notre examen.

Parmi les tableaux d’histoire qui figurent au Salon, — encore ce mot « peinture d’histoire » a-t-il perdu aujourd’hui la signification qu’on lui attribuait autrefois et n’exprime-t-il le plus souvent que la simple narration d’un fait, — la Bataille de l’Alma, par M. Pils, mérite d’être citée comme le meilleur ouvrage et comme un très honorable spécimen du talent de l’artiste. Pendant longtemps M. Pils