Page:Revue des Deux Mondes - 1861 - tome 33.djvu/851

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Les comédies imitées du français ont naturellement peu de chose a nous apprendre sur les mœurs anglaises. Il serait pourtant curieux de suivre les changemens que l’opinion, dans la Grande-Bretagne, impose à notre littérature dramatique pour la faire accepter du public d’outre-mer. On peut d’ailleurs juger, des modifications de détail que subissent les pièces françaises dans un pays où les jeunes filles jouissent d’une assez grande indépendance, tandis que les femmes mariées se soumettent strictement et avec une sorte d’orgueil romain à la chaîne des devoirs.

Les Anglais jouissent sur le continent d’une réputation de tristesse qui ne me semble point, justifiée. On aura sans doute confondu leur humeur avec la couleur de leur ciel, qui se montre en effet fort gris durant une partie de l’année, mais qui n’engendre point toujours le spleen. La plupart de leurs anciennes coutumes, sont joyeuses. Ils n’ont jamais pu supporter la tragédie, qu’ils regardent comme trop sèche et même dans leurs drames les plus sombres ils mêlent le risible au sérieux de manière à mettre en relief l’un par l’autre. Dans la vie privée, ils aiment de temps en temps, comme ils disent, a bit of fun, un doigt de plaisanterie. Il n’en est pas moins vrai que leur rire diffère. profondément du nôtre. La gaieté anglaise est celle d’un peuple grave qui ne se montre pour cela que plus enjoué à ses momens de folie ; c’est, comme ils l’appellent eux-mêmes, l’humour avec des saillies brusques et inattendues, des métaphores hardies et un fonds d’excentricité mordante qui se déguise le plus souvent sous des airs froids et composés. Les acteurs comiques ont dû naturellement se conformer à ce type de jovialité nationale, et quelques-uns d’entre eux sont à coup sûr fort amusans. Ils ont pourtant en général sur la scène une certaine raideur dont il est facile de saisir la cause. Les Anglais, par suite de cet esprit de self-command (empire, sur soi-même) qui est la boussole de leur caractère, ont à peu près supprimé le geste. dans la conversation. Cette contenance opposée à la nôtre est si bien un trait de race, que dans Regent street je reconnais tout de suite à distance un Français d’un Anglais ; il me suffit de regarder le mouvement de ses bras. Les acteurs de la Grande-Bretagne, ne trouvant point autour d’eux ni dans leurs habitudes le geste, qui sur la scène donne la vie au discours, sont obligés de l’acquérir. J’en connais même qui ont voyagé en France ou en Italie tout exprès pour cela : d’autres se contentent de 1étudier au théâtre ; mais dans tous les cas il est difficile que l’imitation ait l’aisance et la souplesse de la nature. Il y a sans doute des acteurs anglais qui ont deviné par instinct cette branche de l’art mimique ; seulement ils sont rares, et ne font que mieux indiquer par là ce qui manque à leurs camarades.

Un de leurs grands mérites, si j’en juge par ce que j’ai vu et