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et qui semblent plus ou moins faire partie de la pièce, s’étalent dans une scène ad hoc entre le clown et Pantalon, qui font semblant de se moquer de la marchandise. L’auteur écrit de son côté ce qu’on appelle l’introduction, opening, ou la partie littéraire de l’arlequinade, car le reste est abandonné à la fantaisie du chef de la pantomime. On réunit alors les machinistes, les costumiers, les artistes, en un mot tout le monde théâtral, pour entendre la lecture du manuscrit. Chacun d’eux sait maintenant ce qu’il doit faire dans la ligne de ses devoirs, comme disent les Anglais.

Voici d’abord le workshop, où s’élaborent les divers instrumens destinés à produire l’illusion. On y moule par centaines, et d’après un procédé ingénieux, des masques dont un artiste a fourni les dessins[1]. Il y en a de toutes les formes et de toutes les laideurs, depuis la grimace de Quasimodo jusqu’à la figure des insectes monstrueusement grossie par toutes les puissances du microscope. Là aussi croissent à vue d’œil les légumes fantastiques qui devront jouer un rôle sur la scène ; là naissent comme par magie les chaises fées qui auront l’esprit de se changer en pianos, et le lit miraculeux qui s’envolera de lui-même vers le plafond dès que le clown s’y étendra de toute sa longueur. Tout cela et bien d’autres choses encore que les Anglais désignent en langage de théâtre sous le nom de property occupent, comme on peut le croire, un très grand nombre de mains. On assiste dans cet atelier à la réalisation des rêves de notre dessinateur Grandville. Je me demande d’ailleurs si ce besoin d’animer, de transformer, de personnifier la matière, qui est bien un des traits du caractère anglais, une tendance nationale, n’a point contribué au succès persévérant qu’obtient chez nos voisins la pantomime féerique.

À côté du workshop, ou de l’atelier du merveilleux, se trouve généralement la garde-robe, wardrobe. À l’approche de Noël, cette salle ressemble à une ruche d’abeilles travailleuses ; fervet opus. Les couturières y taillent jour et nuit dans la dentelle pailletée d’or les robes des fées, des ondines ou des nymphes ; les costumiers y découpent les tuniques des deux armées rivales, dont l’une devra combattre pour le droit et sauver la princesse malheureuse. Quelques-unes de ces étoffes sont réellement précieuses et coûtent des prix extravagans. Non contens d’habiller les dieux, les déesses, les génies et les héros mythologiques, ces artistes en toilette doivent encore dérober à la nature le secret de vêtir d’une manière tolérable les scarabées, les coccinelles, les cantharides, les fleurs animées, les houblons, les chèvrefeuilles et toutes ces personnifications du monde inférieur qui figurent dans le drame féerique.

  1. L’artiste le plus renommé pour le dessin des masques et des costumes est M. Dykwynkin.