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telles circonstances, rien ne lie. Voulant l’embarrasser, j’ai donné ordre que le pape fût envoyé… aux avant-postes. J’ai fait savoir au pape qu’ayant demandé, comme évêque de Rome, à retourner dans son diocèse, je le lui ai permis. Ayez donc soin de ne vous engager à rien par rapport au pape, soit à le reconnaître comme à ne pas le reconnaître. »

Cette lettre prêterait à un long commentaire. Je me bornerai à en tirer cette induction, qu’alors que les alliés étaient à quelques lieues de Paris, Napoléon voulait encore conserver Gênes, le Piémont, et n’était pas même décidé à abandonner les états du pape ! Cette négociation, si peu sincère de part et d’autre, ne devait pas aboutir ; mais, par le seul fait des mouvemens des troupes napolitaines, la plus grande partie de l’Italie avait déjà échappé aux Français. Ancône, Livourne s’étaient rendus. La Toscane, les états de l’église étaient évacués. Gênes et Venise n’étaient guère en mesure de prolonger beaucoup leur défense. La désertion éclaircissait de plus en plus les rangs de l’armée italienne. La population était fort agitée. Le théâtre de la guerre se trouvait transporté du Mincio sur le Pô, et Mantoue était devenue le pivot de la résistance du vice-roi, parce que c’était la seule position où il pût tout à la fois, avec beaucoup d’habileté, faire tête aux Autrichiens, venant du nord et aux Napolitains arrivant du midi. La vice-reine, résolue désormais à ne pas se séparer de son mari, vint, le 29 mars, s’enfermer dans Mantoue avec ses enfans.

On touchait au terme de cette longue agonie. Le surlendemain, les alliés entraient à Paris. Peu de jours après, l’empereur était déposé par le sénat, les Bourbons remontaient sur le trône ; Napoléon abdiquait, et en acceptant pour lui-même, par le traité de Fontainebleau, la souveraineté de l’île d’Elbe, pour sa femme et pour son fils les duchés de Parme et de Plaisance, il stipulait qu’il serait donné au prince Eugène un établissement convenable hors de France.


III

Le 17 avril, le vice-roi, informé déjà d’une partie de ces grands événemens, conclut avec le maréchal de Bellegarde, sur la proposition de ce maréchal, une convention qui établissait une suspension d’hostilités : les troupes françaises devaient rentrer sur-le-champ dans les limites de l’ancienne France, tandis que les troupes italiennes continueraient à occuper la partie du royaume d’Italie non conquise encore par les coalisés ; une députation du royaume d’Italie pourrait se rendre au quartier-général des alliés, et dans le cas où elle n’obtiendrait pas une réponse satisfaisante pour toutes les parties, les hostilités ne recommenceraient que quinze jours après.