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REVUE. — CHRONIQUE.

intérêts égoïstes d’une petite aristocratie ! Et c’est contre des prétentions de part et d’autre si peu légitimes qu’il faudrait voir échouer l’œuvre intelligente de la reconstitution d’une monarchie indépendante et souveraine !

Nous avons peu de chose à dire de l’épisode de la discussion sur le budget qui a tant occupé la diplomatie. Il ne fait que montrer plus clairement à quelle extrémité l’Allemagne prétend réduire le Danemark, et nous avons déjà signalé en commençant cette extrémité. Le 1er  mars, les représentans des quatre grandes puissances non allemandes (France, Angleterre, Russie et Suède), peu avares de concessions à conseiller au Danemark, invitèrent le cabinet de Copenhague à soumettre à la discussion des états d’Itzehoe la part contributive du Holstein dans le budget commun de 1861-62. Le gouvernement du roi avait prévenu ce désir par l’article 13 du projet de règlement provisoire qu’on se préparait alors à soumettre aux états quelques jours après. Cet article 13 était ainsi conçu : « Pour l’année financière commençant le 1er  avril 1861 et finissant le 31 mars 1862, on aura à se conformer aux dispositions prises par notre résolution suprême du 23 septembre 1859 à l’égard de la part contributive que le Holstein aura à fournir comme subvention aux dépenses communes de la monarchie pendant l’exercice biennal de 1860 jusqu’en 1862. »

La patente du 23 septembre 1859 était l’acte souverain en vertu duquel, pendant la suspension de la constitution commune pour le Holstein et le Lauenbourg, et afin que ces deux duchés ne pussent soupçonner ou accuser en rien le rigsraad privé de leurs représentans, le roi de Danemark avait pris sur lui de fixer le maximum de la contribution du Holstein aux dépenses communes pour 1861-62. Par l’article 13, le gouvernement mettait les états holsteinois en mesure de refuser, s’ils le voulaient, cette disposition du roi prise en leur faveur, et par conséquent de discuter le budget pour ce qui les concernait : un employé supérieur du ministère des finances avait été adjoint à M. Raaslöff, commissaire royal auprès des états, afin de leur donner tous les éclaircissemens qu’ils pourraient demander ; mais une entente quelconque avec le gouvernement danois n’était pas leur affaire, une telle entente les eût privés du concours de l’Allemagne et des résultats qu’ils en attendent dans l’avenir. De plus, ils s’obstinaient à vouloir discuter tout le budget de la monarchie et à exercer à ce sujet un veto résolutif ; ils prétendaient toujours non pas seulement voter la part afférente du Holstein aux recettes et dépenses communes (21, 64 pour 100), mais contrôler en même temps par la voie indirecte les 78, 36 pour 100 payables par le royaume et le Slesvig, ce qui voulait dire en d’autres termes (nous ne nous lasserons pas de le répéter parce que cela est difficile à croire) que les états holsteinois voulaient avoir le droit de décider des affaires communes, par exemple de la question s’il serait permis ou non au Danemark de s’armer pour se défendre contre l’exécution allemande. Non satisfaits de voter ce que le Holstein aurait à offrir pour la défense commune, ils réclamaient le pouvoir d’interdire au royaume et au Slesvig de mettre sur pied l’armée et d’équiper la flotte. Voilà ce que le gouvernement danois ne pouvait accorder. S’il s’est cru obligé, pour se tenir à distance du péril où le jetterait une pareille concession, de paraître ne pas abonder dans le sens de la dé-