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et un brave général, le général Lebreton, qui a donné des preuves non équivoques de dévouement au gouvernement actuel, s’est honoré en exprimant les sentimens que le jeune et brillant officier d’Afrique a laissés parmi ses généreux compagnons d’armes. Beaucoup parmi nous peuvent rompre l’étiquette envers lui, et, usant d’une de ces familiarités que la vérité et le génie de notre langue autorisent, peuvent l’appeler leur camarade. C’est en le traitant nous-mêmes avec cette familiarité que nous dirons que ni le duc d’Aumale, ni ceux de sa famille, ne sont des prétendans et n’ont agi en prétendans, que la brochure qui a été le prétexte de la circulaire, provoquée par le discours du prince Napoléon, est un acte évidemment accidentel, tandis que les mesures défensives et préventives prises par M. de Persigny supposent des plans d’action manifestement impossibles. À nos yeux, ces mesures manquent d’objet, et par conséquent elles ne nous paraissent pas pouvoir produire l’effet que l’on a en vue. Nous nous refusons à croire que, la première irritation passée, M. de Persigny voulût empêcher en France la circulation d’écrits aussi distingués et aussi patriotiques que l’histoire des zouaves et des chasseurs d’Afrique, ou Alesia. Comment d’ailleurs le système d’interdiction mis en avant par le ministre de l’intérieur pourrait-il s’accorder d’une façon un peu durable avec les notions les plus simples et les plus générales de l’équité ? L’administration pourra-t-elle empêcher la maladresse des écrivains qui la servent dans la presse ? Est-on sûr que ceux-ci ne travestiront jamais les actes ou les paroles du duc d’Aumale et des autres exilés ? Peut-on admettre que, devant des assertions calomnieuses, il pût être interdit aux camarades du duc d’Aumale de défendre son honneur en rétablissant la vérité ? Et qu’on ne dise point que notre supposition est gratuite. Une circonstance toute récente la justifie.

Une société littéraire anglaise, le Literary fund, avait offert à M. le duc d’Aumale la présidence de sa réunion annuelle ; cette invitation, si nous ne nous trompons, remontait à une époque antérieure à la publication de la brochure. Il n’y avait donc rien de politique ni dans l’objet, ni dans l’occasion de cette solennité. Les journaux français se sont abstenus d’en rendre compte. La réunion à laquelle a pris part M. le duc d’Aumale et les discours prononcés par le brillant président à l’anniversaire du Literary fund auraient dû rester en France à l’abri de toute interprétation malveillante. Il n’en a point été ainsi. Un journal qui a une grande publicité a cru devoir faire preuve de zèle à cette occasion. Il a prétendu que le dîner du Literary fund était une manifestation organisée par le parti tory, par le parti le plus hostile à la France, et il a reproché au duc d’Aumale de s’être uni aux plus violens ennemis de son pays. L’accusation est fausse de tout point, et parce qu’elle tombe sur un exilé, peut-elle passer sans réponse ? Le Literary fund est une institution charitable, fondée, il y a soixante-douze ans, pour secourir les hommes de lettres dans l’indigence ; c’est assez dire qu’aucune pensée politique ne se mêle à cette œuvre de noble philanthropie. Le président