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CHRONIQUE DE LA QUINZAINE.




31 mai 1861.

Nous avons plus d’une fois exprimé le regret d’être trop peu attirés vers nos affaires intérieures, la matière manquant ou l’application de l’opinion publique faisant défaut. Nous sommes malheureusement contraints aujourd’hui de témoigner un regret contraire. Une circulaire de M, de Persigny, bientôt suivie de mesures d’une sévérité inattendue, a produit sur l’opinion une impression pénible. Nous sommes donc bien obligés de dire, quoi qu’il nous en coûte, notre pensée sur cette circulaire. Notre chagrin est sincère : nous avons le droit de le dire. Nos lecteurs nous rendront en effet cette justice, qu’en plusieurs circonstances nous n’avons point hésité à montrer l’estime et la sympathie que nous ressentions pour M. de Persigny. M. le ministre de l’intérieur a été l’homme d’une idée et d’une foi ; c’était un titre à l’estime de ceux même qui n’ont ni pensé ni agi comme lui. Des accidens divers et imprévus ont donné à sa carrière politique une sorte d’intérêt pittoresque. Plus d’une fois on a pu reconnaître chez lui une généreuse initiative, et nous nous plaisions à supposer qu’il se montrerait libéral dès qu’il se croirait assez fort pour être lui-même. Voilà qu’aujourd’hui M. de Persigny nous place entre deux doutes douloureux : est-ce l’instinct libéral, est-ce la confiance dans sa force qui lui manque ? En tout cas, n’est-il pas fâcheux, pour nous qui n’avions pas craint d’augurer publiquement si bien de ses tendances politiques, d’être réduits à désapprouver maintenant un de ses actes les plus significatifs, à invoquer contre lui-même le droit qu’il reconnaissait largement à la presse, lors de son entrée au pouvoir, de critiquer les mesures de l’administration, ou bien encore de faire appel à cette réserve de la loi de 1822, maintenue dans plusieurs jugemens récens, qui consacre « le droit de discussion et de censure des actes des ministres ? »

Il y a deux choses à examiner dans les instructions que M. de Persigny