Page:Revue des Deux Mondes - 1861 - tome 33.djvu/748

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

les erreurs de tout genre, et sur certaines idées émises par M. Wekerlin à propos de la tonalité prétendue moderne et de la non-existence de la note sensible dans certains refrains populaires ; j’aime mieux indiquer les chansons du recueil qui m’ont paru le moins banales. Telle est, par exemple, la mélodie vieillotte de la Bourgogne Eho ! eho ! eho ! celle de la Guyenne et de la Gascogne intitulée Michaut veillait, où l’on sent l’influence de l’art. J’en dirai autant du Chop des Beaufort, bourrée de l’Auvergne, tandis que celle intitulée Quand Marion s’en va-t-à l’ou, de la même province, est empreinte de l’accent populaire et villageois. Je citerai encore la Femme du Roulier, de la Saintonge, Au Bois, Rossignolet, de la Franche-Comté, Paysan, donn’-moi la fille, de la même province, qui a une tournure mélodique plus régulière, une romance du Bourbonnais, Derrièr’ chez nous, dont les paroles et la musique forment un petit chef-d’œuvre. La musique de ce petit poème d’amour, d’une naïveté imitée, est charmante et naturelle. Les chansons populaires des provinces de France, avec accompagnement de piano par M. Wekerlin, et illustrées par MM. Bida, Français, Maurice Sand, etc., forment un recueil curieux et intéressant pour les amateurs de la poésie et de la musique populaires, deux manifestations du sentiment et de la fantaisie que le peuple ne sépare pas plus de nos jours que dans les temps primitifs.

Un jeune compositeur, qui a été couronné par l’Institut il y a quelques années déjà, M. Léon Gastinel, a eu la bonne fortune de faire exécuter une grand’messe de sa composition à l’église Notre-Dame, le 8 avril. C’était à l’occasion de la fête de l’Annonciation de la Vierge, et l’association des artistes musiciens s’y trouvait représentée par quatre cents exécutans. La messe de M. Gastinel est une œuvre estimable qui révèle un talent sérieux et une certaine pratique dans l’art d’écrire pour l’orchestre ; mais les idées nous en ont paru peu originales, et le sentiment religieux qui les pénètre assez équivoque. C’est dans le Sanctus qu’il nous semble que M. Gastinel a le mieux réussi à donner la mesure de son inspiration dans un genre aussi difficile que la musique religieuse. À l’offertoire, M. Alard a exécuté sur le violon un andante de Mozart qui était digne du lieu et de la circonstance. Après l’Évangile, un jeune prédicateur, M. l’abbé Perreyve, est monté en chaire et a prononcé une allocution pleine d’intérêt sur l’union des arts qui cherchent à se compléter les uns par les autres, et dont l’unité artificielle n’est qu’un pressentiment de l’unité suprême que la religion seule peut donner. Les paroles sensées de M. l’abbé Perreyve ont produit une bonne impression sur le monde profane qui l’écoutait, et il serait à désirer que le clergé parlât un peu plus souvent la langue du siècle qu’il veut conduire. M. Gastinel, dont on vient de représenter un opéra en un acte au Théâtre-Lyrique, a composé encore six mélodies qui ne manquent pas de grâce sur des paroles de M. Charles Potron, un esprit aimable et délicat.

Un artiste qui fait partie de l’orchestre du Théâtre-Italien, M. Greive, a fait entendre dans une soirée musicale, donnée chez M. Pleyel, plusieurs