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dans deux concerts qu’il a donnés, l’un dans les salons de Mme Érard, l’autre au Théâtre-Italien. Son exécution est fine, élégante, pétulante même ; il rend surtout avec beaucoup d’éclat l’admirable sonate en la bémol de Weber. Un morceau de la composition de M. Perelli, un scherzo pastoral pour piano et orchestre, révèle du talent et ajoute au mérite incontestable du virtuose, qui est fort répandu dans le monde officiel. MM. Wienawski, Polonais, Lubeck, Hollandais d’origine, dont l’exécution vigoureuse s’assouplit beaucoup, Bernard Rie, de Prague, Stanzieri, jeune artiste napolitain, qui inspire le plus grand intérêt, Henri Ketten, enfant bien doué qu’on pousse trop vite à la composition, Hans Seeling, Vincent Adler, Hongrois, Mlles Joséphine Martin, Sabatier Blot, Darjou, Caroline Remaury, sont des pianistes de talens divers qui tous ont donné un ou plusieurs concerts. Je citerai encore un violoniste distingué, M. Sarrazate, élève de M. Alard, M. Jacques Dupuis, qui appartient à la Belgique, le tromboniste Nabich, le chanteur allemand M. Reichard, qui ne manque pas de goût, le violoncelliste italien M. Cazella, di dolce memoria, qui a fait des progrès sur ce bel instrument, dont il joue avec sentiment, M. Bessems, qui est un homme de goût et un professeur justement estimé, M. Édouard Caudella, violoniste du prince de Moldavie et de Valachie, dont le jeu un peu âpre s’adoucira avec le temps et, i dubiosi desiri ; enfin une aimable jeune fille, Mlle Amélie Bido, qui joue du violon presque comme un maître.

Un chanteur italien et un peu cosmopolite, M. Marchesi, qui est professeur de chant au conservatoire de Vienne, a donné deux soirées intéressantes, qu’il a eu le tort d’appeler un peu ambitieusement des concerts historiques. M. Marchesi a dit avec esprit, si ce n’est avec charme et d’une voix de baryton flexible, mais un peu ternie, un air bouffe fort curieux d’Acis e Galatea, opéra de Handel, l’air Vedrò mentre respiro, des Nozze di Figaro, et beaucoup d’autres morceaux du répertoire moderne. On sent, à la propriété de style qui caractérise sa manière, que M. Marchesi est un artiste qui a le goût et l’esprit cultivés, et dont on pourrait utiliser l’activité intelligente en lui confiant la direction d’un théâtre ou d’une troupe lyrique.

En fait de concerts sérieux qui méritent véritablement le titre de concerts historiques, nous devons citer la soirée très intéressante qu’ont donnée M. et Mme Farrenc dans les salons de Mme Érard le 8 avril. M. Farrenc, qui est un bibliographe musical des mieux renseignés, a conçu le projet, qui est en cours d’exécution, de publier un choix des meilleures compositions qui existent pour le piano depuis la seconde moitié du XVIe siècle jusqu’à nos jours. Ce sont les différens morceaux qui doivent composer le Trésor des pianistes, — c’est le titre de la publication de M. Farrenc, — qui ont été exécutés à cette séance, et d’une manière exquise, par Mlle Marie Mongin, élève de Mme Farrenc. Dans la série de morceaux que j’ai entendus à cette soirée, qui a été longue et où assistait un public de choix, j’ai remarqué la petite pièce pour la virginale (épinette) de Gibbons, musicien