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différence de 42 kilomètres en faveur de la ligne du nord, c’est-à-dire que tous les produits voyageant par la ligne d’Alsasua auront 42 kilomètres de plus à parcourir que ceux qui prendront le chemin de fer du nord, et par conséquent plus de frais de transport à supporter. Envisagée d’un autre point de vue, la question change d’aspect : on remarque en effet que si de Pampelune le chemin, au lieu de s’infléchir vers Alsasua, se dirigeait par Zubiri et Saint-Étienne de Baïgorri, traversant les Pyrénées aux Alduides, on aurait alors un parcours qui ne serait plus que de 637 kilomètres[1]. Avec ce parcours, Madrid gagnerait 36 kilomètres dans ses rapports avec Bayonne, et l’avantage serait encore plus marqué, à ne considérer que le trajet de Pampelune au port français, puisque la traversée directe des Pyrénées abrégerait la distance de 78 kilomètres. Un avantage de cette nature n’était point à dédaigner : il a donc fallu de puissans motifs pour que cette combinaison fût repoussée en Espagne par des ingénieurs de mérite comme MM. Arnao et Estibaus, qui ont été appelés successivement à émettre leur avis. L’étude technique fut complète, mais timide ; c’est ce qui paraît ressortir des documens. Le chemin de fer des Alduides se trouvait sans nul doute placé dans la catégorie de ceux qui offrent les conditions de rampes les plus défavorables. Il a 12 kilomètres dont l’inclinaison atteint 2 et 3 pour 100, limites qu’il n’eût pas été possible d’atteindre il y a quelques années. Aujourd’hui on trouve des pentes semblables dans les chemins allemands, suisses et français, et enfin dans le chemin de Turin à Gênes, dont les pentes atteignent jusqu’à 3,5 pour 100, en même temps qu’il offre un tunnel dans lequel règne une pente de 2,9 pour 100. Presque toutes les traversées de montagnes ont offert des difficultés analogues, si ce n’est plus grandes, sans arrêter les ingénieurs.

Pour relier les deux territoires, un tunnel international serait l’œuvre d’art la plus importante, la seule présentant quelque difficulté ; mais si le développement de ce tunnel doit atteindre une longueur de 5,350 mètres, ne sait-on pas que le percement du Mont-Cenis aura 14,000 mètres de long ? Le travail a été entrepris par un pays qui était loin de posséder les ressources financières de l’Espagne. Si l’on trouve qu’une rampe générale de 2,7 pour 100 est dangereuse, il suffit de montrer le tunnel des Apennins, dont l’exploitation se fait sans péril sur une rampe de 2,0 pour 100. Les difficultés d’exécution se présenteront nombreuses à la vérité, puisque l’on s’attaque aux Pyrénées ; mais il n’en est pas une qui soit assez

  1. De Madrid à Saragosse 360 kilom.
    De Saragosse à Pampelune 167
    De Pampelune à Bayonne (par les Alduides)… 110
    Total 637 kilom.