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recettes variables de 12,000 à 30,000 francs le kilomètre, quelques-uns même ont dépassé ces chiffres. Cependant rien n’est encore préparé pour favoriser le trafic. Les chemins ordinaires n’existent pas, ou sont dans un état déplorable, à l’exception de quelques grandes routes. Nous avons vu des villages entiers renoncer au bénéfice des voies ferrées parce qu’il leur manquait quelques kilomètres de chaussée. Parfois une ville de plus de 20,000 habitans reste plusieurs jours sans pouvoir communiquer avec la ligne la plus rapprochée, parce que le tracé s’éloigne un peu de la route qui existait précédemment, ou bien pendant des semaines entières il est impossible d’arriver aux stations. Il est certain que ces inconvéniens disparaîtront ; les chemins se feront, les habitudes de voyage se créeront, la production augmentera. Nous ne parlons pas seulement de la production agricole ; nul pays peut-être n’est mieux disposé que l’Espagne à voir se développer l’industrie métallurgique. Tous les jours on exploite de nouvelles mines, et néanmoins, si l’on faisait le relevé des transports qu’elles ont donnés jusqu’ici aux chemins de fer, on trouverait qu’ils sont relativement minimes. Certes ce ne sont ni les plombs argentifères, ni le mercure, ni les blindes, ni les pyrites cuivreuses, ni les charbons, ni le fer qui manquent dans la Péninsule ; mais avant tout il fallait pouvoir exploiter. Aujourd’hui la possibilité existe, et de cette possibilité même naît la certitude d’un accroissement progressif des produits des chemins de fer.

Un mouvement pareil à celui dont nous venons de parler devait évidemment exciter la spéculation industrielle. Et voilà qu’à un moment donné arrivent de tous les côtés, de la France en particulier, d’immenses capitaux pour vivifier cette impulsion. Est-il aujourd’hui une seule de nos institutions de crédit, un seul de nos capitalistes qui ne soient intéressés dans l’industrie espagnole ? Dernièrement le gouvernement mettait en adjudication la ligne de Manzanarès à Cordoue : douze concurrens au moins entraient en lutte, presque tous représentaient des capitaux étrangers ; enfin la compagnie de Madrid à Alicante, Saragosse et Tolède restait concessionnaire au prix de 27,300,000 réaux d’une ligne qui avait été mise en adjudication au prix de 95 millions de réaux. Des faits analogues se sont produits plus récemment dans les adjudications des chemins de fer de Médina del Campo à Zamora, de Palencia à Ponferrada (ligne de la Corogne), et de Tarragone à Valence. Partout la même concurrence empressée et les mêmes rabais, L’Espagne n’a pas à se plaindre de cette affluence qui lui a valu de voir en peu d’années sa capitale reliée à la Méditerranée et prête à se trouver en communication avec la France, le Portugal et l’Andalousie. Madrid va recevoir directement tous les produits de l’est et de l’ouest, du nord et du sud. Il faut