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faire moins large, elles ont un peu de sécheresse, et sont d’un moins beau style que les bras. Il n’est pas inutile de considérer la statue de profil ; c’est sous cet aspect qu’elle se pare de tout son charme, qu’elle montre la variété de ses lignes, l’énergie de son expression. Elle n’offre pas autant d’unité que le Faune, qui restera comme un type ; mais elle appartient à un principe de sculpture qu’il faut placer au premier rang, et l’exécution, sans être moins savante, est plus idéale. Le talent de M. Perraud tend donc à s’élever toujours, et chacune de ses trois figures dénote un progrès nouveau.

Conclurai-je ? Est-il besoin de faire ressortir un fait qui n’est que trop évident ? Quelle est la portée de nos expositions ? Quelle est l’efficacité des distinctions décernées par le jury, puisqu’en 1855, l’Adam n’a point été acheté, puisqu’en 1857, le Faune n’a point été commandé, puisqu’en 1859 le nom de M. Perraud était absent du livret par la faute du gouvernement, qui, en dédaignant ses œuvres terminées, ne lui donnait pas les moyens d’en entreprendre de nouvelles, et condamnait un artiste éminent à perdre quatre années de sa vie ? Qu’arrivera-t-il à l’exposition de 1861 ? Le Désespoir (combien je souhaite de me tromper !) aura sans doute le sort des statues qui l’ont précédé, car c’est aussi de la grande sculpture, où la sensibilité éclate à travers la science, où la chaleur d’exécution n’affaiblit point la puissante impression du sujet, où l’idéal tempère et purifie une connaissance admirable de la nature. Cela surprendra fort les étrangers qui étaient membres du jury international, et qui dès 1855 plaçaient M. Perraud parmi les premiers sculpteurs de l’époque, à côté de Rude, de David d’Angers, de Rauch, de Rietschel, de Simart, qui sont déjà morts et ne sont pas remplacés. Je n’accuse que M. Perraud, qui ne sait point faire valoir ses droits, travaille en silence et se laisse oublier. Cependant un tel oubli n’eût point été possible, si chaque exposition eût abouti à un concours, et s’il eût été établi que le jury, en désignant toutes les productions qu’il jugeait bonnes, dressait, par ce seul fait, la liste des acquisitions de l’état. « On consulte toujours le jury, » me répondra-t-on. Je n’en doute pas ; mais l’exemple de M. Perraud parmi tant d’autres nous apprend comment on use de ces consultations. En matière d’administration, la bonne volonté ne suffit point, il faut une règle ; le droit est mal assuré, s’il n’est garanti par des lois. Donnez-nous donc des garanties, donnez-vous à vous-même la sécurité. Le concours n’honorera pas seulement le ministre qui l’aura institué, il le déchargera d’une responsabilité lourde. Les magistrats ne sont-ils pas heureux qu’un tribunal composé de citoyens dispose à leur place de la vie et de la mort ? Vos arrêts sont moins terribles, mais ils peuvent avoir sur la carrière des artistes et sur les tendances générales de l’art une influence qui vous doit effrayer. Et puis le règne