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qu’Icare, roi de Lacédémone, après avoir donné à Ulysse sa fille Pénélope, essaya vainement de la retenir auprès de lui. Les époux étaient partis : il monte en char, les rejoint et supplie sa fille de ne pas l’abandonner. Ulysse, vaincu par ses instances, dit à Pénélope qu’il la laissait libre ou de le suivre à Ithaque, ou de retourner à Lacédémone avec son père. Pénélope ne répondit rien, mais se voila. Icare comprit, se retira et consacra plus tard au même endroit une statue de la Pudeur. M. Perraud, comme cela était naturel, a choisi le moment où Ulysse consulte Pénélope et lui tient la main en lui montrant son père, qui, enveloppé dans son manteau, appuyé sur un long sceptre, fait un geste d’anxiété. Pénélope a pris son voile, et commence à le ramener sur son visage. Derrière le groupe principal, les deux chars sont arrêtés, les écuyers et les serviteurs contiennent les chevaux impatiens. Un arbre et un cippe avec une inscription indiquent les frontières de la Laconie.

Le mérite principal d’une frise, c’est la composition, la valeur des plans, et surtout la beauté des silhouettes. Les Grecs ont laissé dans ce genre des modèles accomplis. Je ne parle pas seulement des frises qui décoraient le Parthénon et les autres temples, mais des bas-reliefs d’un ordre moins élevé sculptés par des artistes sans nom et destinés à des édifices particuliers ou à des tombeaux., Avec une exécution toujours simple et quelquefois imparfaite, les contours sont charmans, décoratifs, harmonieux, soit que la tradition soutînt ces mains peu habiles, soit qu’elles fussent conduites par l’instinct merveilleux qui était le privilège de la race grecque jusque dans les dernières classes d’artisans. M. Perraud, dans son esquisse d’Ulysse et d’Icare, montre qu’il a pénétré le secret de cette beauté. Sa frise plaît sans effort ; les groupes sont disposés avec un art qui remplit à souhait tout le cadre ; ils se détachent sur le fond par les profils les plus propres à charmer. La scène est animée, pittoresque, malgré le petit nombre de plans que permet le bas-relief. Derrière les personnages principaux, qui occupent le centre, mais sans former de masse ni d’épaisseur, paraissent et disparaissent tour à tour les chars, les timons, les roues, les chevaux qui se cabrent, et les écuyers qui les calment. Tout est vivant, découpé, plein de variété, et cependant la simplicité des figures et la sobriété du mouvement attestent le respect des données antiques. Les belles choses en effet, de quelque époque qu’elles soient, ont une affinité plus grande qu’on ne le pense. Dès qu’on évite l’emphase, les poses de convention, et qu’au contraire, sans renoncer à la noblesse, on atteint le naturel et la naïveté, on approche des Grecs.

C’est une idée trop répandue que la sculpture n’est plus à la mesure de notre vie privée, et qu’elle ne convient qu’aux édifices publics. La frise d’Ulysse et d’Icare, par sa dimension et son charme