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striées de l’acajou d’Azua, pas plus qu’aucune forêt n’égale celle d’Yuna pour la magnificence de ses cèdres et de ses ébéniers. Ce n’est pas seulement par les espèces propres aux fins ouvrages d’ameublement que se recommande cette terre privilégiée : on y trouve en abondance celles qu’exige la grande construction navale. C’est ce que constate, d’une manière aujourd’hui fort intéressante pour l’Espagne, une exploration exécutée par un ingénieur français au moment de la cession de 1795, et dont le récit se trouve dans les papiers du département de la marine.

Ce qui, au même point de vue, présente un intérêt encore supérieur pour l’Espagne, c’est l’importance maritime de certaines parties du littoral. Les ports sont à la vérité moins nombreux dans la colonie espagnole que dans l’ancienne province française, et ceux de la côte septentrionale, parmi lesquels sont Santiago et Puerto-Plate, n’offrent en général que des abris peu sûrs et des fonds de mauvaise tenue. C’est à l’est et au sud, c’est à Santo-Domingo et à Samana qu’il faut descendre pour trouver des ports véritablement dignes de ce nom. La capitale espagnole est assise au pied du delta que dessinent, en se joignant à une lieue de la mer, les deux grandes rivières Isabelle et Ozama. Ces deux courans principaux, que de nombreux affluens ont grossis dans leur cours, forment, en mêlant leurs eaux, une nappe immense qu’encaissent de chaque côté des roches perpendiculaires qui s’élèvent parfois jusqu’à une hauteur de vingt pieds. Lorsque seront faits certains travaux que réclame l’embouchure de l’Ozama, ce bassin naturel aura pris toute l’importance qu’il peut avoir dans le mouvement maritime de ces parages. C’est là que fut le secret de la splendeur de cette métropole espagnole du Nouveau-Monde, au temps où Fernandez Oviedo disait à Charles-Quint « qu’il n’y avait pas une ville en Espagne qui méritât de lui être préférée, soit pour le sol, soit pour l’agrément de sa situation, soit pour la beauté de ses rues et de ses places, soit enfin pour le charme de ses environs, et que sa majesté impériale logeait quelquefois dans des palais moins commodes, moins vastes et moins riches que plusieurs de ses édifices. »

La presqu’île de Samana, dont la côte sud forme, avec celle de Samana-la-Mare, la vaste baie qui porte son nom, s’étend de l’ouest à l’est sur une longueur de quinze lieues et une largeur qui varie de deux à cinq. Sa configuration est telle qu’elle fut longtemps prise pour une île. Aussi le bassin qu’elle forme est-il l’un des plus magnifiquement circonscrits qui existent dans le monde entier, et il suffit d’étudier un peu la carte pour comprendre comment et pourquoi Samana a été de tout temps l’objet de la convoitise de tous les hommes de mer qui ont navigué dans ces parages. Située à l’extrémité orientale de l’île et placée ainsi sous le souffle de l’est, qui est