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d’année en année, l’aspect de ce canton change et se rapproche de celui que présentent les autres parties du Hainaut. Par suite d’un ensemble de circonstances favorables qui toutes tiennent de plus ou moins près au développement de l’industrie, il se produit dans l’économie rurale une transformation dont nous aurons à indiquer les caractères en parlant de la région voisine, le pays d’entre Sambre-et-Meuse.

On connaît maintenant les caractères généraux qui distinguent l’agriculture de la région hesbayenne. Si l’on veut se rappeler les traits qui caractérisent l’économie rurale dans les terres sablonneuses de la Campine, on sera frappé à bon droit du contraste que présentent ces deux districts agricoles. Dans la Campine, où le cultivateur avait à faire valoir un terrain maigre dépourvu des principes mêmes de la végétation, il lui a fallu accumuler sur les champs en exploitation tous les élémens organiques recueillis sur une grande étendue de bruyères, et entretenir de nombreux troupeaux de bêtes à cornes, afin de rassembler de grandes quantités d’engrais indispensables à la croissance des plantes qu’il cultive. Dans la région hesbayenne au contraire, où une argile féconde est disposée à produire de riches moissons, de forts attelages garnissent les fermes, et le labour est l’opération principale. Tandis que là une charrue légère, traînée par un seul bœuf, trace avec facilité un sillon profond dans le sable mobile, ici trois chevaux vigoureux ont peine à faire pénétrer un soc puissant dans une terre grasse, qui résiste à leurs efforts. Dans la Campine, le seigle est à peu près le seul grain qu’on récolte pour la subsistance de l’homme, et les secondes récoltes de fourrages occupent partout une place importante. Dans la Hesbaye, le froment domine, et les secondes récoltes sont inconnues. Il s’ensuit que d’un côté la principale denrée que l’agriculture livre au commerce est le beurre, et que de l’autre ce sont les céréales, les produits étant ainsi non moins divers que les méthodes mises en œuvre pour les obtenir. Nous ne pousserons pas plus loin ce parallèle. Il nous a suffi de montrer, par deux exemples significatifs, l’influence qu’exerce la constitution physique du sol sur les procédés de la culture. Sans doute, et nous n’avons eu garde de l’oublier, ces différences tendent à disparaître devant les perfectionnemens qui s’imposent partout au nom de la science, et qui tiennent peu de compte des diversités naturelles ; mais il est d’autant plus intéressant de les décrire pendant qu’elles subsistent, et de reproduire ainsi l’aspect général de l’économie rurale dans les différentes régions de la Belgique avant que celles-ci n’aient perdu les caractères particuliers qui les distinguent encore.


EMILE DE LAVELEYE.