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les cultivateurs est évidemment insuffisante. La terre est, il est vrai, d’assez bonne qualité pour donner jusqu’à six ou même sept récoltes de suite sans repos et sans fumure ; mais il est certain que ses produits seraient beaucoup plus considérables, si elle était plus largement traitée.

Le bétail étant relativement peu nombreux, les récoltes de plantes fourragères n’occupent pas une très grande place dans l’assolement. Les seules de ces plantes qu’on cultive sont, en fait de légumineuses, les féveroles, la lupuline (medicago lupulina), le trèfle blanc, et principalement le trèfle ordinaire, en fait de racines la betterave, mais en proportion trop restreinte. Dans les Flandres, nous avons vu qu’on consacrait à la nourriture du bétail de 50 à 55 pour 100 de la superficie arable ; dans la région hesbayenne, on ne destine aux récoltes vertes, y compris les prairies naturelles, que de 30 à 35 pour 100. Quoique la jachère soit supprimée, l’assolement dans le Hainaut et le Brabant wallon rappelle encore fréquemment l’ancienne rotation, à cela près que le trèfle et les féveroles occupent l’année du repos. Au lieu de la succession alternante de céréales et de plantes sarclées que conseille avec tant de raison la science agronomique, trop souvent on fait succéder les unes aux autres deux et même trois récoltes épuisantes : froment, seigle et avoine ; puis, après avoir fait deux coupes du trèfle semé dans l’avoine, on recommence la même succession de céréales, suivie d’une récolte de féveroles. Heureusement ces méthodes mal entendues commencent à se modifier, et des assolemens plus rationnels s’introduisent. La culture de la betterave à sucre y a surtout beaucoup contribué en donnant à l’art agricole une impulsion comparable à celle qu’imprima le colza vers la fin du siècle dernier. C’est la seule des cultures industrielles qui ait une importance réelle. Par suite de l’élévation du prix des journées, qui pour les hommes ne tombe guère au-dessous de 2 francs, et qui va souvent au-delà, on cultive de moins en moins le colza et le lin, si ce n’est aux environs de Tournai, où les procédés de culture ressemblent beaucoup à ceux des Flandres, et où l’on récolte le lin ramé[1], si recherché pour les fines batistes. Néanmoins, si les plantes oléagineuses et textiles ont perdu du terrain dans toute la région hesbayenne, la betterave, qui les a remplacées, a produit une révolution semblable à celle, qui a été signalée en France dans le département du Nord. La production du sucre a pris

  1. Quand on sème le lin très dru dans une terre fertile et bien fumée, les tiges de la plante croissent si Anes, si déliées, qu’abattues par le vent et la pluie, elles pourriraient immanquablement, si on ne les soutenait par des perches et de menus rameaux placés horizontalement à peu de distance de la terre. Le lin traité ainsi s’appelle du lin ramé et donne un produit considérable, qui dépasse souvent 2,000 fr. à l’hectare.