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irriguées, malgré le prix d’achat peu élevé du sol, n’ont pas été obtenues à moins de 1,800 ou 2,000 francs par hectare, et quant aux terres soumises à la charrue, si l’on compte le coût des bâtimens et des amendemens de toute espèce, on arrivera à une somme peu inférieure à celle qui vient d’être indiquée. Le seul moyen économique de mettre ici la terre en rapport, c’est d’y semer ou d’y planter des arbres résineux d’après la méthode que nous avons observée dans les Flandres. Des plantations de ce genre ont été faites dans différentes parties de la Campine[1], et souvent sur une très grande échelle. Le bois d’élagage est vendu soit dans le pays même pour chauffer les fours fermés où l’on cuit les briques, soit pour la consommation des boulangeries dans les villes. Depuis l’amélioration des voies de communication, les sapinières, quand le sol a été convenablement préparé, donnent un revenu considérable.

On voit que, malgré les grands travaux exécutés par l’état et par l’initiative intelligente et persévérante des particuliers, le défrichement de la Campine n’a pu avancer que très lentement. En 1849, on y comptait encore 140,000 hectares de terres vagues, dont 80,000 hectares de bruyères communales. Depuis lors, une loi nouvelle est venue permettre au gouvernement d’obliger les communes soit à tirer parti de leurs biens, soit à les vendre. On estime que sous l’empire de cette loi 8,000 hectares de terres vagues appartenant aux communes et soumises à un nouveau mode de jouissance ont été définitivement mis en rapport de 1850 à 1859. Si l’on admet le même chiffre pour les propriétés privées, on arrive à constater qu’on a rendu productifs à peu près 1,600 hectares par an. Ce résultat paraîtra peut-être minime quand on songe aux vastes espaces qui restent à conquérir, mais on ne songera pas à le dédaigner si l’on se rappelle tous les obstacles qu’il faut surmonter à force de sacrifices, d’énergie et de constance.

Quoique la Campine s’étende sur la plus grande partie des deux provinces d’Anvers et du Limbourg, elle n’en occupe point tout le territoire : les cantons méridionaux de ces provinces appartiennent à une zone plus fertile, et pour la culture ils se rapprochent de ceux du centre de la Belgique. Aux environs d’Anvers, la terre est très maigre ; mais le voisinage de cette grande cité commerciale a permis

  1. Le pin a été à peu près partout en Belgique semé par la main de l’homme. C’est dans le cours du siècle dernier que l’on a surtout commencé à y créer des sapinières, et l’on cite un certain Coster d’Anvers parmi ceux qui ont introduit les plus grandes améliorations dans ce genre de plantations, comme l’indiquait naguère encore le nom de costerboschen donné aux bois de bonne venue. Anciennement les abbayes plantaient des forêts de chênes et de hêtres. On en voit encore des restes près de Tongerloo et d’Everboden ; mais les plus beaux arbres ont été abattus du temps de la domination français » pour les chantiers de la marine militaire.