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et arrive enfin au petit port de Fullonica, où il s’embarque pour l’île d’Elbe. Là sa sûreté personnelle est menacée, et à peine arrivé, il faut qu’il reparte au plus vite sur un canot dont il manie lui-même les rames. À la hauteur de Livourne, il rencontre un navire anglais dont le capitaine le prend à son bord et le débarque à Porto-Venere. Enfin le voilà dans son pays, il va gagner bientôt sa ville natale et y trouver un refuge ; non, il est arrêté à Chiavari et conduit à Gênes comme prisonnier d’état. Après l’avoir tenu enfermé quelque temps dans le palais des gouverneurs, le général La Marmora le fait conduire à bord du Carlo-Felice, une frégate de guerre à l’ancre dans la rade, et lui ordonne de désigner lui-même le lieu de son exil, sa présence dans le royaume étant désormais impossible. Il fallait bien se soumettre : le proscrit demande au moins la grâce d’aller voir ses enfans dans sa ville natale et de passer vingt-quatre heures avec eux. Il est conduit à Nice sur un bateau à vapeur, le San-Giorgio, qui le ramène un jour après dans le port de Gênes. Maintenant où ira-t-il ? Dans quel pays fixera-t-il sa retraite ? Il se décide pour Tunis ; mais le bey de Tunis, dominé, assure-t-on, par l’influence française, ne veut pas de cet hôte compromettant : le proscrit ne peut même pas débarquer, et le capitaine du navire, en attendant des ordres, va le déposer dans l’île Maddalena.

Garibaldi vivait là depuis un mois dans la cabane d’un pêcheur nommé Pietro Susini, lorsque M. Falchi, gouverneur de l’île, écrivit au gouvernement piémontais qu’il était dangereux de laisser un tel homme aussi près de la Sardaigne. Quelques jours après, un brick de guerre, le Colombo, venait prendre le général et le conduisait à Gibraltar. Le gouverneur de Gibraltar lui permet de débarquer ; mais à peine est-il descendu à terre, qu’il reçoit l’ordre de quitter la ville avant six jours. Il la quitte immédiatement, et s’en va seul, dans une barque, cherchant un port moins inhospitalier sur les côtes barbaresques. Il arrive à Tanger, se rend chez le consul sarde, se nomme et demande un asile. Le consul, M. Carpeneto, le reçoit avec bonheur, et pendant six mois, c’est-à-dire jusqu’au mois d’avril 1850, l’exilé piémontais reste l’hôte et le commensal du représentant de la Sardaigne.

Aux premiers jours du printemps, il va de Tanger à Liverpool, et s’embarque au mois de juin pour New-York, où il reste toute une année. Là, pour gagner sa vie, il travaille dans une fabrique de bougies que dirige son ami et compatriote M. Meucci. Le soir, fatigué d’une besogne insipide, et pour retrouver au moins dans ses souvenirs la vie d’émotions qui lui manquait, il écrivait ces Mémoires dont Elpis Melena vient de publier la traduction allemande.