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héros de Caprera ait publié lui-même en italien cette autobiographie qu’il a si complaisamment abandonnée à des plumes étrangères, ouvrez les Mémoires traduits par Elpis Melena, et vous y verrez la plus étonnante préface aux événemens qui passionnent aujourd’hui la vieille Europe. On n’en marquera ici que les traits principaux.

Le général des corps francs est né à Nice le 4 juillet 1807. Son père, Dominique Garibaldi, né à Chiavari, était fils de marin et marin lui-même depuis l’enfance. Il désirait cependant une profession plus calme pour le jeune Giuseppe, il voulait en faire un avocat, un prêtre ou un médecin ; mais l’enfant était né pour une vie d’aventures, et sa vocation l’emporta. Il ne rêvait que voyages ; tout jeune encore, il s’était enfui de la maison paternelle avec un de ses compagnons, et, montant dans un bateau qu’il dirigeait tant bien que mal, il s’en allait tout droit à Gênes, si on ne l’eût rattrapé à la hauteur de Monaco. Son premier voyage le conduit à Odessa ; il va ensuite à Rome, à Cagliari, à Gênes, à Constantinople, où le retient une maladie de quelques mois ; à peine guéri, il veut repartir, mais la guerre vient d’éclater entre le sultan et le tsar, le port est bloqué, et le jeune marin, privé de ressources, est obligé, pour gagner sa vie, d’entrer comme précepteur dans une famille italienne. Il repart dès que l’occasion se présente, et cette fois il commande lui-même un navire, de Constantinople à Gibraltar et de Gibraltar à Constantinople. Il était dès cette époque tourmenté du désir de voir l’Italie indépendante et libre ; mais n’était-ce pas le plus insensé de tous les rêves ? Sa joie fut bien vive le jour où, ayant rencontré dans ses voyages un membre de la jeune Italie, il apprit que ce rêve agitait plusieurs milliers de ses semblables. « Quelle révélation ! s’écrie-t-il. En vérité Christophe Colomb ne fut pas plus profondément ému en découvrant les rivages de l’Amérique. À partir de ce moment, ma vie avait un but. »

En 1833, Garibaldi, pendant un séjour à Marseille, est présenté à Mazzini comme un homme sur qui l’on peut compter, et le tribun lui assigne immédiatement un rôle dans une conjuration qui se prépare. Tandis que les mazziniens, réunis et enrégimentés en Suisse, devaient attaquer le Piémont par la Savoie, Garibaldi prenait du service dans la marine piémontaise ; engagé comme matelot de première classe sur la frégate l’Eurydice, il devait faire de la propagande parmi ses camarades, soulever une émeute à bord, s’emparer du bâtiment et le mettre à la disposition des républicains. Le succès de cette propagande avait été complet, et l’on n’attendait plus que le signal de Mazzini. Un jour que la frégate était à l’ancre dans le port de Gênes, le bruit se répand qu’une