Page:Revue des Deux Mondes - 1861 - tome 33.djvu/582

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Elle pria le roi de trouver bon qu’elle ne prît pas le voile. Elle se retira dans un couvent d’Ursulines, où elle enseigna les enfans jusqu’à sa mort.

La sentence fut exécutée sur-le-champ en ce qu’elle avait de plus dur. Mme de Maintenon fit venir d’un couvent de Chaillot, que protégeait la cour de Saint-Germain, des sœurs augustines, rudes, grossières, pour plier à la vie monacale les dames de Saint-Cyr, des personnes tellement affinées, lettrées, qu’elle avait tant gâtées, et qui durent souffrir d’autant plus. Ces augustines avaient si peu de cœur, que dans les longs offices, aux grandes chaleurs de l’été, elles exigeaient qu’on restât toujours à genoux. Les petites filles. n’en avaient pas la force et s’évanouissaient. Mme de Maintenon elle-même trouva que c’était trop.

Elle trônait alors comme mère de l’église, absolue, mais ayant perdu cette dernière grâce de femme qu’elle avait eue encore à ce moment de quiétisme et d’amitié. Ce qu’elle fut alors, insipide, ennuyeuse, regardez-le au Louvre, sous le royal brocart bleu mêlé d’or dont elle est affublée dans le plat portrait de Mignard.

Dans cette révolution, le sage Fénelon, contre Godet, s’était mis à couvert en se donnant un confesseur jésuite ; ayant baisé la griffe, il se croyait en sûreté. La Maisonfort n’imite pas cette prudence ; comme elle a tout perdu, elle n’a guère à ménager. Quand la mère de l’église donne à Saint-Cyr ses règlemens minutieux, impérieux, elle s’en moque, éclate contre ces petitesses. Les dames firent leurs vœux, la plupart en 1693. En 1694, la Maisonfort franchit le dernier pas, passa sous le drap mortuaire. Fénelon prêchait ce jour-là le bonheur de la mort religieuse ; elle ne la subit que pour lui. L’archevêché de Paris était alors vacant. La Maisonfort, pour reprendre crédit et soutenir Fénelon près de la dame, toute-puissante, revint à elle, fit sa volonté et s’abandonna sans retour.

On dit que ces exécutions étaient peu agréables au roi, et qu’il en était triste. La succession de ces prises d’habit était comme un convoi perpétuel. En 1698, une seule restait à voiler, Mlle de Lastic, belle personne qui, pour sa taille royale et son noble visage, avait joué Assuérus. Racine était présent à sa prise d’habit ; il se troubla, versa des larmes, dont rit Mme de Maintenon.

Triste temps, désormais stérile et déjà loin du temps d’Esther ! Le génie fut glacé. Un grand silence commença.


J. MICHELET.