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Cela créa l’alliance parfaite des dames unies contre Louvois. Une machine (dirai-je infernale ou céleste ?) pour le faire sauter fut dressée… dans un lieu pacifique, d’où on l’eut attendue le moins, dans ce doux, dans cet aimable Saint-Cyr. On fit porter le coup par la main innocente, d’autant plus dangereuse, des demoiselles et des enfans.


II

Esther se comprend par Saint-Cyr, et Saint-Cyr même ne se comprendrait pas, si l’on n’en retrouvait l’occasion, l’idée, le germe primitif dans la vie antérieure de Mme de Maintenon. Peu agréable au roi dans l’origine, elle réussit auprès de lui précisément parce que ses très réels mérites faisaient un contraste parfait avec les défauts de la Montespan. Elle plut par ses pieux discours ; elle plut par les soins attentifs, soutenus, qu’elle avait des enfans que la mère négligeait. Dans la retraite mystérieuse où le roi venait les voir en bonne fortune, elle était parée des gentillesses de l’aîné, le maladif duc du Maine, qui, sans elle, n’aurait pas vécu. Malgré son sérieux, sa tenue un peu sèche, elle était aimée des enfans, même de Mlle de Nantes (Mme la duchesse), mauvaise et malicieuse. Tous deux, d’espèce féline, jolis, dangereux petits chats, la caressaient, se jouaient autour d’elle avec une grâce infinie, faisaient groupe et tableau. Le roi admira et aima.

Là fut la vraie puissance de la dame, et plus qu’en ses sermons peut-être ; mais cette puissance lui fut retirée après le fameux jubilé de 1676, l’édifiante pénitence dont la Montespan fut enceinte. Mme de Maintenon n’eut pas l’éducation de l’enfant si cher du péché ; on aima mieux lui donner une charge de cour. Est-ce à dire qu’elle ait refusé cet enfant par scrupule, pour la honte de la naissance ? Nullement, car ce fut chez elle-même, à Maintenon, que la Montespan accoucha ; mais Louvois se chargea de tout, comme Colbert avait fait pour les enfans de La Vallière.

Eh 1681, quand la mort de Fontanges avertit fortement le roi et le refit dévot, quand la persécution reprit avec les enlèvemens d’enfans, Mme de Maintenon suivit cette mode, et dans sa famille même enleva, adopta une petite fille, sa nièce. Elle rentra dans l’éducation, son élément naturel, entreprit celle d’une nouvelle catholique. Rien de plus agréable au roi. L’enfant fut bien choisi pour plaire. Il n’y eut jamais rien de si joli, de si gai, de si amusant que la petite de Villette (plus tard Mme de Caylus). C’était le plus parlant visage, dit Saint-Simon ; l’ennui était impossible où elle était ; on souriait dès qu’elle apparaissait. Mme de Maintenon, sa tante, prit le