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Elle ourdit vingt fois son réseau,
Et quand la toile frêle
Est finie à peine, un oiseau
L’emporte d’un coup d’aile.

Mais il n’est si triste saison
Qu’un rayon ne colore,
Et dans la plus pauvre maison
Le bonheur entre encore.
Si les soucis au charbonnier
Souvent troublent la tête,
Parfois aussi dans son métier
Il est des jours de fête.

Un matin, le charbon paraît
Sous la couche de terre :
Victoire ! il est noir à souhait
Et cassant comme verre
Il sonne clair comme l’argent,
À la forge on l’emmène ;
Et dans les bois sourds on entend
Rouler la banne pleine.

Le charbonnier n’a d’autre abri
Que sa forêt natale,
Les muguets d’avril ont fleuri
Sa couche nuptiale ;
Pareils aux petits des oiseaux
Nichés dans les bruyères,
Ses enfans n’ont eu pour berceaux
Que l’herbe des clairières.

Né dans les bois, il veut mourir
Dans le fond d’une comble,
Ses compagnons viendront bâtir
Un fourneau sur sa tombe,
Un grand fourneau qu’on emplira
De braise et de ramée,
Et son âme au ciel montera
Avecque la fumée.


ANDRE THEURIET.