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pour ce fait comme le bienfaiteur de cette contrée, on lui éleva en 1828, grâce à l’initiative de M. Dupin, sur le pont de Clamecy, un monument surmonté de son buste ; mais M. Frédéric Moreau, l’auteur du Code de conférée des bois carrés, en remontant à l’origine de cette découverte, trouva dans les archives de la ville de Paris des pièces authentiques constatant que le premier train de bois y arriva non en 1549, mais en 1546, et qu’il y fut amené par Charles Lecomte. Ce fut, paraît-il, l’occasion de fêtes et de réjouissances publiques, et Charles Lecomte reçut du prévôt des marchands le titre de premier expérimentateur du flottage. Jean Rouvet eut du moins le mérite de vulgariser cette découverte et de faire sur d’autres cours d’eau ce que Lecomte avait déjà fait sur l’Yonne. Depuis ce moment, de nombreuses ordonnances n’ont cessé de faciliter la pratique du flottage. C’est par ce moyen que les cours d’eau qui débouchent dans la Seine au-dessus de Paris, l’Aisne, l’Ourcq, l’Yonne, la Marne, l’Aube, le Loing, le canal de Briare, celui d’Orléans, celui de Bourgogne, etc., viennent déverser dans ce fleuve les bois des contrées qu’ils traversent, et que réclame la prodigieuse consommation de la capitale.

Il y a deux espèces de flottage, le flottage à bûches perdues et le flottage en trains. Le premier, comme son nom l’indique, consiste à jeter pêle-mêle dans les cours d’eau les bois façonnés, qui sont entraînés tous ensemble jusqu’aux ports les plus voisins, où ils sont repêchés et rassemblés en trains. Pratiqué seulement sur les rivières non navigables, où il ne peut gêner la circulation des bateaux, ce système n’en exige pas moins quelquefois, des travaux d’art assez importans. En France, le flottage est pratiqué sur un très grand nombre de rivières, mais c’est sur la Haute-Seine et les affluens de ce fleuve qu’il a surtout été l’objet de la sollicitude administrative. Depuis sa source jusqu’à son embouchure en Seine, l’Yonne reçoit cinquante-six cours d’eau annuellement flottables à bûches perdues. Entre Armes et Montereau, on rencontre cinquante-sept ports spacieux où l’on dépose les bois que l’on doit mettre en trains ; enfin trente étangs peuvent à volonté se déverser dans la rivière et fournir les eaux nécessaires pour emporter les bois. Malheureusement les localités qui ne concourent pas à l’approvisionnement de Paris n’ont pas été aussi bien partagées, et on a dû en maint endroit abandonner le flottage, qui était précédemment exercé. Ne faudrait-il pas attribuer ce résultat à ce que la police des petits cours d’eau, qui rentrait autrefois dans les attributions de l’administration des eaux et forêts, dépend aujourd’hui de celle des ponts et chaussées, moins intéressée à les conserver flottables, et occupée de travaux qu’elle considère comme plus importans ? En Allemagne, il n’est pas