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la petite vérole, proposait une modification radicale dans notre, costume et se faisait fort de nous fournir douze mille casqués en cuir bouilli, avec ou sans panache au choix, en moins de Quinze jours. Il avait apporté un modèle et s’en coiffait impudemment pour en démontrer le bon effet. En dehors de ces deux catégories de gens inutiles, il y en avait une troisième moins honorable peut-être et plus perfide : je parle des agens secrets que tous les gouvernemens de l’Europe avaient lâchés au milieu de nous. Au reste, ils étaient sans danger, car nous les connaissions à peu près tous. Ils traînaient partout leurs curiosités indiscrètes, récoltant d’une oreille avide tous les bruits, les plus absurdes même, que souvent, par simple esprit de taquinerie, nous nous plaisions à faire circuler autour d’eux. Ces pauvres gens, qui n’avaient et ne pouvaient avoir aucun caractère officiel, faisaient triste figure à certaines questions un peu vives qu’on leur adressait à brûle-pourpoint. Ils jouaient là un sot rôle, et quelques-uns avaient assez d’esprit pour le sentir. Cette sorte de diplomatie occulte et interlope, qui défait n’est que de la police déguisée, les conduisait parfois à de petits excès qui leur firent connaître le château de l’Oeuf plus qu’ils ne l’auraient voulu. Il n’est cancans si ridicules, bourdes si invraisemblables qu’ils n’aient répétés pour en donner la primeur à leur gouvernement. C’est ainsi qu’un de ces agens écrivit, dans un rapport dont le hasard fit tomber le brouillon entre nos mains, que Garibaldi s’était entendu avec les généraux napolitains pour leur acheter les soldats tant.par tête, trois carlins ou trois ducats, je ne me souviens plus exactement de la somme indiquée : vieille calomnie qui a déjà traîné dans les bas-fonds de toutes les politiques et qu’on y avait ramassée à notre intention. La vérité sur tous ces monceaux d’or que Garibaldi avait distribués à gauche et à droite pour s’ouvrir la route jusqu’à Naples, la vérité, c’est que l’armée méridionale a constamment manqué d’argent, et que les généraux étaient aussi pauvres que les soldats ; quant aux chefs des troupes napolitaines, quoi qu’on ait dit, quoi qu’on ait écrit à ce sujet, ils n’ont pas reçu un baïocco. Il fut question une fois de fusiller, pour l’exemple, un de ces drôles à double visage qui écoutent aux portes et envoient des renseignemens frelatés ; maison trouva que c’était donner bien de l’importance à une niaiserie, et l’on renonça à ce projet.

Garibaldi avait mieux à faire que de s’occuper de ces pauvretés. Agissant au grand jour, en plein soleil de publicité, et annonçant longtemps d’avance ses intentions principales, il n’avait rien à craindre de ce petit espionnage qui courait Naples et quelquefois Capoue ; il lui fallait faire reposer son armée, puis aller avec elle chercher les royaux là où ils s’étaient réfugiés. Ainsi que je l’ai dit,