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devant cet argument : que si les bois de marine existent dans ces forêts, elle peut se les procurer dans le commerce en les payant ce qu’ils valent, et que s’ils n’existent pas, ce n’est pas l’exercice du martelage qui les y produira. Néanmoins un décret du 16 octobre 1858 lui donna sur ce point une demi-satisfaction en autorisant l’administration des forêts à lui délivrer directement les pièces propres aux constructions navales qui se trouveraient comprises dans les coupes annuelles des forêts domaniales. Sans rétablir le martelage, ce décret n’a d’autre but que de permettre à l’état d’employer pour ses besoins quelques-uns des produits de ses propres forêts ; comme il supprime d’ailleurs les intermédiaires, intéressés à ne livrer que des bois de qualité inférieure, il prévient les abus et malversations dont on avait eu si souvent à se plaindre. Voici comment aujourd’hui les choses se passent. Les agens forestiers, en marquant les coupes de l’année, désignent parmi les arbres qui doivent tomber ceux qu’ils jugent propres à la marine. Ces arbres, frappés d’un marteau spécial, ne sont pas compris dans la vente de la coupe ; mais l’adjudicataire n’en est pas moins tenu de les abattre, de les équarrir et de les transporter sur un point déterminé de la forêt. C’est là que la marine, à laquelle avis a été donné du nombre et de la qualité des pièces réservées, en fait effectuer la réception par ses agens. Celles qui sont acceptées sont transportées à ses frais jusqu’aux ports ; quant à celles qui sont rebutées, elles sont vendues par les soins de l’administration des forêts ; enfin un système de comptabilité porte en recette à cette administration et en dépense à la marine la valeur des bois délivrés.

Il est à peine permis de croire que le mode inauguré par le décret du 10 octobre 1858 puisse donner des résultats beaucoup plus satisfaisans que ceux qui l’ont précédé, et qu’il suffise à garantir l’approvisionnement de nos arsenaux. Les difficultés contre lesquelles la mariner a dû lutter tiennent moins aux systèmes employés qu’à la pénurie de nos forêts en bois propres aux constructions navales. Ce n’est pas d’aujourd’hui du reste que cette pénurie commence à se faire sentir, et dès le siècle dernier Duhamel se plaignait de ne plus trouver de bois de fortes dimensions et d’être obligé d’employer des bois viciés. C’est pour remédier à ce que cette situation avait de fâcheux pour le présent et de dangereux pour l’avenir qu’il ne cessa de recommander l’emploi dans les forêts de procédés de culture plus perfectionnés, et qu’il insista pour la conversion en futaies de celles de l’état et d’une partie de celles des communes et des établissemens religieux. Malheureusement ses sages conseils ne furent pas suivis, car depuis cette époque nos ressources forestières n’ont fait que diminuer, soit par l’aliénation