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il a étendu son influence jusqu’à l’église établie, il y a remis en honneur les doctrines de la réformation, il en a réveillé le clergé, il lui a communiqué l’esprit missionnaire, il a suscité dans ses rangs une foule d’hommes, les Newton, les Scott, les Romaine, qui ne le cédaient pas aux prédicateurs méthodistes eux-mêmes en piété et en dévouement. Telle est l’origine de la grande rénovation qui s’est accomplie dans l’église anglicane, telle est aussi l’origine du parti dit évangélique, qui sans partage y a régné jusque vers 1830, qui aujourd’hui encore y est le plus nombreux, et à la puissance duquel lord Palmerston rend hommage en lui demandant des évêques pour tous les sièges qui viennent à vaquer.

Une action appelle toujours une réaction. Le mouvement méthodiste, fidèle au génie du puritanisme, dont il était une recrudescence, avait donné une importance exclusive à la doctrine ; il avait fini par faire dépendre le salut de la pureté des croyances, de l’exactitude des opinions théologiques ; la foi, au lieu d’être une émotion et une vie de l’âme, était réduite à un credo dont il s’agissait de bien posséder le mécanisme et de bien répéter la formule. L’enseignement dogmatique avait tout envahi. L’âme humaine a besoin d’infini, et, quand elle se tournait de la terre vers le ciel, demandant qu’on étanchât sa soif éternelle, on lui répondait par d’arides recettes ou de stériles syllogismes. Regarder avec amour vers le passé, c’était se rendre suspect d’hérésie ; chercher un appui dans les formes, une joie dans le culte, c’était une superstition ; céder aux instincts de l’adoration, de la pénitence, du sacrifice, c’était une infidélité. Tout ce qu’il y a de vague et d’insaisissable, tout ce qu’il y a de tendre, tout ce qu’il y a de religieux dans la religion, était négligé ou ravalé. Plus de contemplation, plus d’idéal, plus de poésie. Le sermon à la place de la prière, la chaire au lieu de l’autel, le prosélytisme pour premier devoir, le raisonnement pour seule nourriture spirituelle, cela ne pouvait durer. Les puissances méconnues devaient prendre leur revanche. Une immense réaction éclata, et en quelques années changea complètement la face des choses.

C’est d’Oxford qu’était parti le méthodisme, c’est à Oxford que le puseyisme prit naissance. Jamais mouvement ne fut plus légitime que celui-ci dans ses instincts, jamais mouvement aussi ne s’égara plus rapidement et plus complètement. L’homme est toujours le même, commençant par l’esprit et finissant par la chair, cherchant une satisfaction à des besoins sacrés et s’arrêtant à de mortes traditions et à des formes vides. Quelques membres de l’université d’Oxford, nourris de la lecture des pères et des théologiens anglais du XVIIe siècle, poussés à la fois par l’amour de l’antiquité et le dégoût pour la doctrine régnante, entreprirent de renouer le fil de la tradition