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siècle. L’instruction est très générale ; on affirme que les enfans des deux sexes, de toutes les conditions, apprennent, dans des écoles publiques, la lecture, l’écriture et les élémens de l’histoire nationale. Les Japonais ont généralement un vif désir de s’instruire. Tous les visiteurs européens témoignent de cette intelligente curiosité : leurs hôtes les interrogeaient, inscrivaient les mots anglais sur leur éventail, et les retenaient assez aisément. On enseigne le hollandais à Yédo et à Nagasaki. Les élèves qui ont étudié dans ce dernier port les récentes inventions de la mécanique et des sciences vont à leur tour enseigner ces notions nouvelles à la capitale. Les Japonais sont fiers de leur facilité à apprendre et très persévérans. M. Oliphant rapporte qu’à Tien-tsin on eut la plus grande difficulté pour amener les Chinois à accepter l’anglais comme langue diplomatique. Au contraire, les Japonais allèrent au-devant de cette demande. « Combien de temps ne vous faudrait-il pas, dit un des commissaires, pour apprendre à rédiger une correspondance en japonais ! Donnez-nous au contraire cinq ans, et nous serons bien en état de Correspondre en anglais. »

C’est depuis six années seulement que le Japon a commencé à renouer quelques relations avec les peuples étrangers après plus de deux siècles d’interruption. On sait que ce sont les États-Unis qui ont eu l’initiative des nouvelles négociations. En 1854, le commodore Perry a pénétré dans le port de Simoda. De 1853 à 1856, une escadre américaine a parcouru les mers d’Okhotsk, de la Chine et du Japon, visitant les ports qui venaient d’être ouverts. En 1858, le comte russe Poutiatine et lord Elgin se rencontrèrent à Yédo pour traiter au nom de la Russie et de l’Angleterre. La même année, au mois de septembre, le baron Gros, envoyé avec le Laplace, le Prégent et le Rémi, ouvrit, au nom de la France, des négociations semblables. Enfin le Portugal a aussi obtenu son traité, et la Prusse a en ce moment même deux bâtimens dans la rade de Yédo. Naturellement la Hollande est entrée dans le partage des droits nouveaux[1]. Quelle sera l’influence de ces conditions nouvelles sur ce pays vraiment

  1. Tous ces traités ont la même teneur et portent les mêmes conditions. En voici les dispositions essentielles : faculté d’entretenir un agent diplomatique à Yédo et des consuls dans les porte ouverts, autorisation à l’agent étranger de voyager dans toutes les provinces de l’empire. Par réciprocité, l’empereur japonais doit envoyer un ambassadeur dans la capitale du souverain avec lequel il traite. Les Français, Anglais, Russes, etc., pourront librement s’établir dans les ports ouverts, et les limites qu’ils ne peuvent dépasser sont : dix ris autour de Hakodadi (le ri vaut 3,910 mètres) ; du côté de Kanagawa, la rivière Locoo, qui se jette dans la baie de Yédo ; pour Hiogo, dix ris dans toutes les directions, excepté du côté de la ville sainte de Kioto ou Miako, dont il est interdit de s’approcher à plus de dix ris. Quant à Nagasaki, on à la faculté de s’étendre sur tout le domaine impérial des environs. À partir de janvier 1862, les étrangers pourront s’établir à Yédo, et, à partir de janvier 1863, à Osaka, mais seulement pour y commercer. — Les étrangers auront le libre exercice de leur religion, et pourront élever dans des lieux désignés des églises, chapelles, cimetières. — Dans les cas de culpabilité, ils seront traduits devant leurs consuls respectifs, et les Japonais devant leurs tribunaux ordinaires. — Libre usage des monnaies étrangères et japonaises ; celles-ci, à l’exception du cuivre, pourront être exportées. — Tout bâtiment, à son entrée, paiera à la douane japonaise un droit de 81 francs. — Tous les articles japonais exportés paieront 5 pour 100, à l’exception de l’or, de l’argent monnayés, et du cuivre en barres. — Défense expresse d’importer de l’opium ; forte amende et confiscation pour les contrevenans. Le traité avec la France est valable jusqu’au 15 août 1872, à laquelle date il pourra, sur la proposition de l’une des parties contractantes, être révisé.