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IV

D’où donc est-elle venue, cette race intelligente, fière et laborieuse, plus civilisée qu’aucune de celles qui se sont formées en dehors du contact de l’Europe, isolée dans son archipel, satisfaite d’elle-même, ne demandant rien au reste du monde et ne voulant rien lui donner ? De quelque côté que l’on regarde auprès d’elle, aucune des familles humaines qui l’entourent ne semble digne de sa parenté. Ce ne sont pas ces pêcheurs aïnos, errans et pauvres, qui s’en vont de rivière en rivière à la poursuite du phoque et du saumon, ce ne sont pas les Chinois à l’esprit rapace et mesquin, au dos servile, aux idées puériles et attardées, ce ne sont pas non plus les Malais fourbes, farouches et si peu sociables, qui ont pu communiquer à cette nation vivante et pleine d’intérêt son mélange original de qualités et de défauts. La physionomie des Japonais s’écarte du type chinois : le nez est moins large et moins plat, les yeux moins obliques et plus proéminens ; les hommes ont plus de vigueur et de santé ; leurs cheveux noirs sont rasés sur le devant et ramenés en touffe sur le sommet des côtés et de derrière. Ils ne portent pas de barbe, mais seulement de petites moustaches. Malgré les différences très sensibles que l’on saisit entre les Chinois et les Japonais, on ne peut cependant nier que ceux-ci, avec leurs pommettes saillantes et les caractères généraux de leur physionomie, offrent aussi les traits caractéristiques du type mongol. Les femmes sont d’une stature en général inférieure à celle des Européennes et supérieure à celle des Chinoises ; elles n’ont pas les pieds et les hanches mutilés comme celles-ci ; leurs cheveux noirs et longs sont rejetés en arrière sur les tempes et sur le front, et ramenés en nœud ; leur peau est blanche et légèrement colorée à la face ; elles ont de belles dents et un visage fort gracieux tant qu’elles ne sont pas mariées. Les jeunes femmes, dont il est très facile d’observer les formes dans les bains, ont la poitrine et les hanches bien faites, beaucoup de prestance et de facilité dans la démarche. Toutes ont un air affable, gracieux, et on vante beaucoup leurs qualités d’épouses, de mères et de femmes de ménage. Elles ne portent pas, du moins dans les classes inférieures de la société, un costume avantageux ; elles sont vêtues d’une espèce de fourreau étroit de coton bleu, de la même largeur aux hanches qu’à la cheville. La partie supérieure du corps est couverte d’une jaquette de même étoffe, lâche à la poitrine, mais serrée à la taille par une ceinture, avec de larges manches descendant sur les poignets. Des sandales de paille ou des sabots leur servent de chaussures. Il est vraisemblable que les femmes des classes supérieures sont autrement vêtues et qu’elles participent au luxe qui