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On trouve plus d’une analogie entre ces puissans seigneurs et les grands vassaux de notre moyen âge. Il y eut primitivement au Japon soixante-huit principautés, et plus d’un prince put rivaliser avec les syôgouns en force et en richesse ; mais ceux-ci saisirent toutes les occasions d’augmenter le nombre de leurs feudataires et de diminuer en même temps leur puissance ; peu à peu le chiffre des princes s’est élevé à trois cent soixante. Outre les principautés, il y a encore trois cents divisions territoriales moins importantes, en sorte que l’empire embrasse une totalité de près de sept cents fiefs. On ne connaît pas la nature précise des obligations réciproques du gouvernement avec ses vassaux : certains princes, tels que ceux de Stasuma, de Fizen, de Tskiuzen, sont tellement riches et puissans qu’ils ne permettent peut-être pas au conseil d’état lui-même de se mêler de leurs affaires ; mais ce n’est pas la condition générale, et la plupart sont contraints de subir la surintendance de deux secrétaires du gouvernement qui surveillent alternativement l’administration de leurs territoires.

L’impôt au Japon est essentiellement territorial et foncier : les cultivateurs tiennent leurs terres directement de la couronne ou des princes et des nobles qui ont été investis par le gouvernement des droits territoriaux et qui, en retour, doivent une redevance et observent certains devoirs féodaux. Les tenanciers relevant directement de la couronne paient aux intendans impériaux quatre dixièmes du produit du sol en nature, et peuvent garder le reste pour leur usage ; ceux qui relèvent d’un prince paient six dixièmes et n’en conservent que quatre. L’inégalité de ces partages doit faire beaucoup préférer la condition de serviteur de la couronne à celle de tenancier féodal. Dans les villes, un impôt est perçu sur les maisons qui ont plus de quatre-vingt-dix pieds de longueur. Les anciens auteurs qui ont décrit les mœurs du Japon au temps où il était encore permis d’y séjourner vantent beaucoup l’équité des jugemens, et s’accordent à reconnaître dans les Japonais un peuple fier, honnête, rempli d’aversion pour le vol et la fourberie. L’administration municipale dans les villes semble fort bien réglée : elles ont un gouverneur, sorte de maire, assisté de lieutenans ; une classe particulière d’employés sert d’intermédiaire entre la population et les autorités, avec charge de présenter et de soutenir les réclamations. Chaque rue a un magistrat pour régler les querelles et tenir un registre exact des naissances, des morts et des mariages ; ce fonctionnaire est, à ce qu’il paraît, élu par tous les habitans de sa rue : c’est un essai rudimentaire du suffrage universel. Les hommes sont divisés en petites compagnies dont le chef répond de la conduite de ses subordonnés. La nuit, un certain nombre de ces citoyens, ainsi que les agens chargés de la police, se promènent par les rues pour prévenir ou