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étaient investies. Faucher ne fut pas l’un des moins ardens à répandre cette idée salutaire ; il y voyait la garantie des institutions ; il y apportait l’intention sincère de donner quelque repos à une nation qui, fatiguée de longs troubles, semblait disposée à s’en affranchir à tout prix. Les pétitions affluèrent : mieux servies par les circonstances, elles auraient pu aboutir à un concert ; dans l’état des esprits, et au milieu du partage des opinions, il n’en sortit que des débats orageux. Pour les uns c’était trop, pour les autres ce n’était point assez. Le temps marchait toujours, montrant en perspective une date et une crise.

À diverses reprises, des propositions avaient été faites à Faucher pour qu’il rentrât dans le cabinet. Il hésitait, éprouvait des scrupules, résistait aux instances, ou se retranchait dans quelques conditions. Le 10 avril 1851, il se décida et accepta de nouveau le portefeuille de l’intérieur. Ce ne fut pas sans émotion qu’il expliqua à l’assemblée les motifs de ce retour ; il ne se dissimulait pas combien sa mission était délicate, et quelle responsabilité y était attachée. « En montant à la tribune, dit-il, et pendant que je parlais, mon front ruisselait ; chaque mot devait être pesé, mesuré. » L’accueil qu’il reçut lui rendit la confiance et le courage ; il se mit à l’œuvre comme si sa présence et son nom eussent suffi pour dissiper ce que les événemens avaient de sombre et de menaçant. Il avait le sentiment de ses devoirs, et savait qu’aucune force humaine ne l’amènerait à les enfreindre. L’influence qu’on lui rendait, il ne voulait l’employer que pour le bien. Ce fut alors qu’il essaya d’une diversion qui, dans une période plus calme, eût certainement réussi. Cette activité exubérante qui, faute d’aliment, se jetait dans les exagérations politiques, ne pouvait-on pas l’appliquer à de grands et utiles travaux ? À l’instant, et sans tenir compte des empêchemens financiers, le ministre de l’intérieur en traça le programme. Il lui donna des proportions de nature à éblouir et à entraîner les esprits. Une reconstruction des halles centrales et le prolongement de la rue de Rivoli jusqu’à l’Hôtel-de-Ville furent mis à l’étude et présentés avec des plans à l’appui. Une somme de 50 millions y était affectée. Ces hardiesses ont été bien dépassées depuis lors. Quand le ministre les soumit à l’épreuve du scrutin, elles étaient une nouveauté et une surprise. Pour trouver un projet analogue, il fallait remonter aux 100 millions que M. Thiers arracha aux chambres après les événemens de 1840. Faucher ne montra pas moins de décision. Dans les préoccupations qui l’assiégeaient, l’assemblée ressentait pour ce qui y était étranger plus que de l’indifférence ; il triompha de ce sentiment, et amena, à travers les épreuves des bureaux et de la tribune, le projet de loi à une sanction définitive. Il fit plus encore, il en com-