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devoir, détournaient la main du fisc des existences qui en auraient trop souffert pour la diriger vers celles qui pouvaient la supporter avec plus d’aisance. De tout cela il résultait des vides ; il a fallu les combler. C’est alors qu’ils ont donné à l’impôt indirect un rival et un égal dans l’impôt ostensible, où la volonté du redevable se manifeste dans la liberté des déclarations. Il se pouvait que cette expérience fût chanceuse ; elle était digne du moins de ceux qui la tentaient et de ceux auxquels elle s’appliquait. Malgré quelques plaintes, on peut dire qu’elle a réussi. Nous n’en aurons probablement jamais l’équivalent ; nos préjugés sont trop vifs là-dessus. L’impôt est pour nous un ennemi ; plus il se déguisé, mieux il est accepté. Il ne faut pas cependant se montrer injuste envers les peuples qui savent le regarder en face ; ils sont marqués du signe auquel se reconnaissent les civilisations vraiment supérieures, la conscience et la responsabilité des actes.


III

Mais nous touchons à un moment où les événemens nous emporteront avec plus de rapidité. Les questions de détail avaient détourné Faucher de la politique générale ; il y rentra par la loi du 31 mai 1850, dont il fut le rapporteur. On sait quel était le but de cette loi : renfermer le suffrage universel dans certaines limites, définir d’une manière précise les indignités et les incapacités qui fermaient l’accès des listes à ceux qui en étaient frappés. Cette mesure réunissait dans une même entente toutes les fractions du parti modéré ; elle avait l’appui du gouvernement. Le rapporteur la défendit avec courage contre les partisans exaltés du suffrage universel, qui n’entendaient pas qu’on touchât à leur arche sainte. La loi fut votée à une très grande majorité. Les circonstances allaient en faire une lettre morte. Un autre embarras restait à vaincre, et il était plus grave, puisqu’il touchait à un article de la constitution. Par une disposition formelle, le président n’était pas rééligible. Tous les hommes prévoyans sentaient quels périls étaient attachés à cette exclusion ; ils concertèrent leurs efforts pour la faire tomber devant l’expression de l’opinion publique. On peut dire, sans forcer la vérité, que les notabilités de l’assemblée n’avaient là-dessus qu’un sentiment. Des conférences eurent lieu, et il fut arrêté qu’un appel serait adressé au pays pour qu’il se prononçât sur une révision de cette partie de la constitution. Des pétitions circulèrent dans les provinces, et des représentans se chargèrent de les apporter à la tribune, couvertes de signatures. L’intention manifeste de cet acte était de confirmer et d’affermir les pouvoirs dans les mains qui en