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l’impression de la multitude. En quittant Limoges, Faucher y était presque populaire ; cette popularité, il est vrai, ne survécut guère à son passage, mais il ne l’avait pas achetée du moins en flattant les mauvais instincts ni en déguisant ses opinions.

Rentré à Paris vers le commencement de l’automne, il reprit ses travaux à l’assemblée législative et en fut plusieurs fois nommé l’un des vice-présidens. Le repos lui avait rendu ses impatiences d’activité ; il avait hâte de s’engager avec quelqu’un et sur quelque chose. Justement le budget de 1850 venait d’être présenté par M. Hippolyte Passy ; il était ce que comportait le temps et se mettait péniblement en équilibre. Faucher trouva l’occasion à son gré ; il n’imagina rien de mieux que d’opposer au budget du ministre son propre budget. Donner des leçons était dans ses goûts ; celle-ci s’adressait à un homme pour lequel il aurait dû montrer plus de déférence, ne fût-ce qu’en raison de la communauté des doctrines. Nulle part l’humeur de Faucher ne se montre mieux que dans ce travail[1]. Il n’admet pas que le ministre puisse faire un premier et discret essai de l’impôt sur le revenu, familier à nos voisins, et en même temps il introduit dans son œuvre toute une catégorie de taxes nouvelles, soit temporaires, soit permanentes. C’est ainsi, en supprimant d’une part 145 millions de dépenses et en ajoutant d’autre part 131 millions aux recettes, qu’il arrive non-seulement à rétablir la balance, mais à obtenir un excédant. Il n’a pas d’ailleurs de termes assez délibérés pour parler du budget officiel, ni d’expressions de confiance trop fortes pour le budget qu’il y substitue : on sent un homme pénétré de l’efficacité de ses combinaisons. Il est douteux cependant que ces taxes qui devaient atteindre le sel, le transport des lettres, les journaux, l’enregistrement, le mobilier, les domestiques, les officiers ministériels, les employés, les pensionnaires de l’état, il est douteux, dis-je, que ces taxes eussent rencontré dans une assemblée l’accueil dont se flattait l’auteur. Quoi qu’il en soit, sur un point Faucher eut cause gagnée ; l’impôt du revenu avait été si nettement attaqué et de tant de côtés que le cabinet aima mieux en faire le sacrifice que courir au-devant d’un échec certain.

En combattant cette forme d’impôt, Faucher était l’interprète d’un sentiment presque général. Il avait pour lui de grandes autorités et s’appuyait de motifs dont la solidité ne saurait être méconnue. D’abord ce serait pour nous un impôt nouveau, et en cette matière il faut tant qu’on le peut se garder contre les nouveautés ; puis cet impôt est inséparable de procédés d’inquisition et déchire le voile qui couvre les fortunes privées ; enfin il se prête à la fraude et compte sur une

  1. Revue des Deux Mondes du 1er novembre 1849.