Page:Revue des Deux Mondes - 1861 - tome 33.djvu/355

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

chaient surtout et en première ligne à s’assurer de ce qu’il valait par lui-même.

Avec son intrépidité et sa confiance ordinaires, Faucher ne songea point aux risques et ne vit que le but. Dès 1840, il entra en campagne. Le mandat était d’autant plus couru qu’il était plus sérieux ; il menait aux honneurs et à la puissance : aussi ne l’obtenait-on qu’au prix de beaucoup d’efforts. Le candidat en fit l’expérience. Pour ses débuts, il avait accepté, sur les instances de ses amis, une partie presque désespérée. C’était à Corbeil, dans un arrondissement qui envoyait régulièrement à la chambre un des plus riches et des plus honorables propriétaires du ressort, M. Darblay aîné. Certain d’être battu, Faucher n’en fit pas moins bonne contenance. Il avait en face un zélé et habile défenseur des tarifs, un auditoire d’agriculteurs qui n’entendaient pas raillerie sur ce chapitre ; pour un économiste, le cas était embarrassant. Un champion moins résolu eût caché son drapeau ; Faucher tint le sien d’une main ferme, il voulait garder l’estime de ceux dont il n’aurait pas les suffrages. L’échec était prévu, il ne s’en découragea pas et n’en eut que plus de goût pour les émotions de la lutte. Partout où il y avait un vide à remplir, un essai à faire, il n’épargnait pas ses efforts. À Saint-Valéry, en 1842, il arrive trop tard, les voix sont engagées. À Reims, en 1844, la chance est meilleure sans aboutir à un succès. Cette fois ce sont les électeurs de l’opposition qui, d’eux-mêmes, jettent les yeux sur lui, l’envoient chercher en poste et offrent de le porter au siège que la mort de M. Houzeau-Muiron laissait vacant. Il se décide, monte en voiture et trouve sur les lieux un compétiteur redoutable, M. Chaix-d’Est-Ange, qui comptait dans le pays cinq victoires contre une défaite. Les inégalités de ce duel n’ébranlent pas Faucher ; il croise le fer, et s’il tombe, c’est pour se relever dans une revanche. À deux ans de là, en 1846, cette revanche a lieu ; elle a laissé une date dans les éphémérides électorales. Les concurrens se serraient de si près que trois scrutins furent nécessaires pour former une majorité définitive. Faucher l’emporta, mais au prix de quels assauts ! Huit jours entiers il resta sur la brèche pour attaquer ou se défendre. Reims était partagé en deux camps, et une telle agitation y régnait que les premiers transports de la victoire n’eurent pas un caractère moins rude que les fatigues du combat.

Entré à la chambre, le député se montra digne de l’honneur qu’on lui avait fait ; il marqua sur-le-champ parmi les membres les plus laborieux. Ses forces ne le servaient pas toujours au gré de son zèle ; il y suppléa par une énergie vraiment infatigable. Les questions de finances, de douanes, de liberté commerciale, lui appartenaient à plus d’un titre ; il s’en empara dès qu’elles se présentèrent, les agita dans les bureaux avec tact, avec justesse, avec mesure, et trouva