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haute perfection, pour les initiés. Il admet dans l’éducation religieuse de l’homme quatre degrés qui conduisent des préceptes de la morale simple et usuelle jusqu’à l’extase, la contemplation de la Divinité, et l’absorption en elle : — le scharyat (la loi extérieure), — le tharikat (la voie), — le hakikat (la vérité), — le marifat (la science).

Le premier degré est celui où le croyant acquiert le simple mérite que procure l’observation stricte des préceptes renfermés dans le Koran ou dans les paroles traditionnelles du prophète, et des pratiques extérieures, la prière, les ablutions, le jeûne, l’aumône, etc. Dans le second degré, le néophyte s’étudie à devenir aussi vertueux que Mahomet en imitant en tout sa manière d’agir. Il y parvient par une suite d’exercices enseignés aux disciples (murides) par le professeur ou le guide (mourschid) ; il s’élève peu à peu, par une force et une vertu spirituelles, jusqu’à l’adoration intellectuelle de Dieu, au lieu de s’astreindre simplement aux observances légales. Le troisième degré est celui où l’âme se purifie au point de devenir semblable à l’âme pure du prophète, et par suite capable de penser et de sentir comme lui. Une méditation constante de la nature, la connaissance, acquise par l’étude et la réflexion, de la substance des choses, prêtent à l’homme des notions surnaturelles, et le plongent dans une vision extatique (hâl) où il entrevoit la vérité (hakikat). Cet état d’exaltation s’accuse de plus en plus, jusqu’à ce qu’enfin l’initié entre en communication directe et immédiate avec Dieu. Il touche alors au plus haut terme de la science. Dans ce dernier état, l’âme rompt les liens qui l’attachent à la terre : elle est suspendue entre l’être et le non-être ; la paupière charnelle est close, mais le regard intérieur vient donner à l’homme l’intuition sans voile et complète de la Divinité.

La partie essentielle de cet ensemble de préceptes est, à proprement parler, le tharikat, qui indique la direction vers la perfection. Pour atteindre à ce point culminant, il y a dans cette voie, suivant les théologiens musulmans, cinq stations correspondant à cinq périodes de l’histoire de l’humanité, en marche vers sa perfectibilité morale. Ces cinq périodes ont eu chacune pour législateur un prophète marqué du sceau divin et élu parmi leurs contemporains les mieux doués des grâces d’en haut : Adam, Abraham, Moïse, Jésus et Mahomet. Ce dernier est le type d’une perfection telle qu’au-delà il ne reste plus qu’à s’identifier à l’essence de Dieu. Ces indications tracent dans l’instruction des murides cinq divisions. Au sortir de la première, ils sont ce que les musulmans appellent « revêtus du caractère d’Adam. » Successivement ils passent par le caractère d’Abraham, de Moïse, de Jésus et de Mahomet. Les exercices