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isolées, monolithes de marbre, de grès-brèche ou de granit, qui portent des chapiteaux mieux fouillés et plus élancés ; mais cette beauté est toute relative, le style général est un lourd plagiat de l’architecture grecque. Le temple du soleil approche par sa grandeur du gigantesque temple de Karnac à Thèbes. Je fus frappé surtout de la hauteur de ses portes ; mais dans tout l’édifice aucun bas-relief, aucune sculpture ne mérite d’arrêter la vue. On passe indifférent.

Ici, comme à Baalbek, les hommes ont fait plus de mal que le temps ; l’édifice religieux fut transformé en forteresse par les Sarrasins, et les quelques fellahs habitans de la moderne Palmyre ont assis leur village dans cette enceinte, afin de s’y défendre au besoin contre l’incursion des tribus. Les œuvres d’art sont mutilées, les tours de défense composées1 de colonnes brisées. Les tombeaux ont été exploités comme des carrières par les mêmes Sarrasins pour construire le château qui domine la ville. On s’étonne, à la vue de cette destruction, que tant de monumens soient encore debout ; mais il est à regretter que ces monumens soient plutôt un témoignage de la richesse des Palmyréniens que de leur bon goût.

Quelques voyageurs se sont crus obligés d’admirer ces ruines quand même, sans doute pour se dédommager des fatigues endurées dans le désert ; ils ont osé même affirmer qu’au point de vue de l’art, celles de Baalbek étaient inférieures. On ne peut porter un jugement plus erroné. D’ailleurs aucun parallèle ne doit être établi entre les restes de ces deux villes. A. Baalbek, on ne trouve que deux temples, et quels temples ! Modèles d’architecture, leurs moindres détails charment et attachent le spectateur. Lorsqu’on voit les six colonnes, seul débris du plus grand, se détacher sur le ciel bleu, leur beauté a je ne sais1 quoi de pénétrant qui élève l’âme et l’attire malgré elle. À Palmyre au contraire, si l’on veut éviter une déception, l’on ne doit considérer que l’ensemble ; alors ce spectacle si étrange d’une cité entière couchée sur le sable séduit l’imagination par des attraits mystérieux, et l’on est invinciblement amené à consulter l’histoire.

Située à moitié chemin entre la Mésopotamie et la Syrie, séparée de l’une et de l’autre par trois jours de marche, Palmyre fut florissante tant que le commerce fut actif dans la Basse-Asie, car les caravanes étaient forcées de s’arrêter sur les bords de ses sources, les seules que l’on trouve dans ce désert. Son histoire nous est inconnue durant une période de mille ans après Salomon, à qui l’on a voulu attribuer sa fondation.-Pline en fait plus tard mention comme d’une ville riche, forte et libre, étrangement Située, presque inaccessible au milieu des sables. Si elle fit sa soumission à Rome sous Adrien et accepta le titre de colonie, ce fut pour elle un acte de bonne politique. Située à l’extrémité de l’empire romain, elle pouvait,