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organique dont les élémens sont dispersés dans l’acte final de Vienne et dans les actes séparés entre la Russie, la Prusse et l’Autriche sous la sanction de l’Europe. Dans la Galicie, Cracovie, échappant au naufrage, est constituée en ville libre, indépendante et neutre « à perpétuité. » La transformation du grand-duché de Varsovie en royaume de Pologne sous la couronne de Russie fait vivre diplomatiquement le nom de la patrie et laisse subsister comme un noyau de reconstitution, comme un foyer d’attraction. La partie prussienne prend le nom de grand-duché de Posen, pour garder un caractère distinct dans l’ensemble de la monarchie de Frédéric II, et la frontière est tracée du côté de la Prusse aussi bien que du côté de la Russie. Enfin, puisque c’est là l’origine de ce grand débat au point de vue diplomatique européen, les trois puissances s’engageaient par l’acte de Vienne à donner aux Polonais, leurs sujets respectifs, « une représentation et des institutions nationales réglées d’après le mode d’existence politique que chacun des gouvernemens jugerait utile, » et pour mieux définir le sens, la portée de ces institutions garanties, les traités séparés ajoutaient qu’elles étaient destinées à assurer aux Polonais « la conservation de leur nationalité. »

Ce n’est pas tout. À défaut de l’unité politique et de l’indépendance réelle, la Pologne garde du moins l’unité de ses intérêts. La liberté du commerce, du transit, de la navigation, est établie dans toutes les parties de l’ancienne Pologne, et une chose même à remarquer, c’est le soin mis à rappeler sans cesse les vieilles frontières de 1772 comme le cadre naturel, de toutes les combinaisons. La qualité de sujet mixte est reconnue pour ceux qui possèdent dans les diverses provinces ; ceux-là échappent à toute classification, malgré tout, ils restent Polonais, ne pouvant partager en trois leur individualité civile, et tel est l’esprit qui préside à cette œuvre singulière, incohérente, je n’en disconviens pas, que les Autrichiens, les Prussiens et les Russes sont qualifiés d’étrangers dans l’article qui traite des arrangemens à prendre pour le règlement des intérêts commerciaux en terre polonaise ; à ce titre, ils sont exclus des bénéfices dont les Polonais seuls sont appelés à jouir. Je n’irai pas plus loin. Ainsi une ville libre, dernière image survivante de l’ancienne indépendance, le nom de la patrie commune consacré diplomatiquement et planant sur cette création nouvelle du royaume, le droit de la nationalité mis au-dessus de toutes les démarcations de territoires et inscrit au premier rang, l’autonomie des diverses provinces distribuées à de nouveaux maîtres, le cadre de l’ancienne Pologne adopté dans la vie matérielle, une sorte de zollverein du commerce et de la navigation, comme une ébauche de confédération,