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d’affinité prédisposante. La force chimique seule intervient, à l’exclusion des forces vitales ; toutefois cette force, au lieu d’agir avec la simplicité qui en marque l’action dans le règne minéral, se voile et devient plus difficile à saisir. Pour justifier cette assertion, comparons le phénomène de la germination dans les plantes à ceux que le chimiste peut reproduire dans son laboratoire ; mettons en regard la série des métamorphoses naturelles et celle des métamorphoses artificielles. Qu’observons-nous d’une part ? La graine renferme à la fois une matière amylacée, l’amidon, et un ferment azoté, la diastase. Sous l’influence de ce dernier, l’amidon se change en dextrine, substance isomère, qui à la même composition chimique ; enfin la dextrine s’assimile les élémens de l’eau et devient de la glucose ou sucre de raisin. Voilà par quel mécanisme le sucre prend naissance dans les graines en germination. Or le chimiste reproduit dans ses appareils les phénomènes délicats qui s’opèrent dans les organes des plantes : il prend de l’amidon, le délaie dans l’eau et y ajoute de la diastase, qu’il a extraite de l’orge germée, il chauffe ce mélange à une température peu élevée, et bientôt l’amidon se dissout en dextrine, et celle-ci se change progressivement en glucose. Il n’est pas même besoin, pour opérer cette transformation, d’emprunter le ferment azoté à un végétal ; on peut l’obtenir à l’aide d’un acide, qui, par le simple contact et sans s’unir à l’amidon, sans céder aucun de ses élémens, convertit l’amidon en dextrine et en glucose à la température de 100 degrés.

Le chimiste imite donc exactement tout ce qui se passe dans les plantes en germination, dans le foie même des animaux, peut-on ajouter, car M. Claude Bernard a montré que cet organe est le siège d’une véritable saccharification ; mais tous les phénomènes de fermentation ne sont pas aussi aisés à imiter. Ces effets dans la germination sont assez simples, puisqu’ils consistent en une simple isomérie et dans une hydratation. Examinons les cas où les métamorphoses sont plus profondes, et prenons pour exemple la fermentation alcoolique, c’est-à-dire la transformation d’une matière sucrée en alcool. Cette opération sert de base à la fabrication des liquides que presque tous les peuples emploient comme boisson. Le jus du raisin, celui de l’érable ou du palmier, la bière fabriquée avec l’orge germée, le cidre obtenu avec des pommes, l’hydromel, le lait aigri des Tartares, doivent leurs propriétés enivrantes à l’alcool, et cette substance s’y forme par la fermentation d’une matière sucrée.

Le phénomène de la fermentation alcoolique peut être observé très nettement dans la réaction de la levure de bière sur la glucose ou le sucre de raisin ordinaire. On dissout de la glucose dans l’eau, et on y ajoute environ un cinquantième de son poids de levure de bière ; la température est maintenue à 30 degrés environ. Bientôt la