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présence la combinaison de certains gaz. M. Berthelot pense que ces phénomènes ne doivent pas être attribués à une condensation des gaz, et notamment de l’oxygène, dans les pores des substances dont je viens de parler, car on peut comprimer un mélange d’oxygène et d’hydrogène jusqu’à cent cinquante atmosphères sans en déterminer la combinaison, pourvu que la compression ne soit pas trop brusque. La chimie a constaté d’ailleurs une foule de cas où une substance agit par le fait seul de sa présence, non plus seulement en provoquant des combinaisons, mais en devenant l’agent d’une décomposition ; d’autres fois cette substance produit dans les corps avec lesquels elle se trouve en contact, au lieu d’une altération chimique, une simple modification dans la structure physique. Le soufre, sous ce rapport, fournit des exemples curieux que M. Berthelot a spécialement étudiés. Ce corps jouit de la propriété de posséder diverses structures, et appartient ainsi à la catégorie des substances isomères, c’est-à-dire formées des mêmes élémens, bien que distinctes par les propriétés tant physiques que chimiques. Le soufre passe de l’un de ces états à l’autre sous la simple influence de l’acide nitrique, ou bien des alcalis et du gaz hydrogène sulfuré. Ces corps n’agissent point sur le soufre par leurs affinités immédiates, puisque celui-ci reste inattaqué et n’entre pas en combinaison.

Comment peut-on rendre compte d’un phénomène aussi singulier ? M. Berthelot risque une explication, et pense que si les alunites du corps qui agit par sa présence n’entrent pas en jeu, les réactions auxquelles il sert de stimulant sont dues cependant à ces affinités. Seulement, au lieu de s’exercer immédiatement, elles demeurent à l’état virtuel. Cette virtualité seule serait, suivant lui, une force suffisante pour ébranler les équilibres atomiques des substances environnantes. Cette explication est presque aussi métaphysique que scientifique, et l’on a quelque peine à comprendre le rôle attribué à des affinités qu’on pourrait comparer à des acteurs qui demeurent derrière le rideau. Pour mieux l’expliquer, M. Berthelot a recours à de véritables finesses de langage : « Ce qui semble produire les actions mises en jeu par des corps aussi énergiques, c’est une certaine tendance à la combinaison, une sorte d’affinité prédisposante, développée sous leur influence, et qui dépend de quelque relation entre la fonction chimique des corps modificateurs et celle des corps modifiés. Cette relation paraît déterminer entre l’agent modificateur et la substance qui se modifie un véritable antagonisme d’affinités, d’où résultent les métamorphoses ou les réactions que la substance modifiée est susceptible d’éprouver. »

Si des actions de contact ou de présence nous passons aux fermentations véritables, l’explication de M. Berthelot demeure la même ; cette fois encore il n’est question que de tendance à la combinaison,