Page:Revue des Deux Mondes - 1861 - tome 33.djvu/111

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

petit nombre d’élémens, peut, en multipliant à l’infini les combinaisons atomiques, donner naissance à une multitude de corps ; mais ces substances se distinguent en général de celles du règne inorganique par leur instabilité. Les molécules s’y groupent en formant des édifices dont l’équilibre se dérange ou se modifie sous les influences les plus légères. Ces altérations peuvent être produites de diverses façons par des agens chimiques et par des agens physiques. Une température élevée détruit toutes les substances organiques ; les principes sucrés sont décomposés avant 200 degrés, quelquefois même au-dessous de 100 degrés, et les substances albuminoïdes sont encore beaucoup moins stables. À partir de 300 degrés, la plupart des composés organiques un peu complexes commencent à se dédoubler et à se résoudre en substances d’une composition plus simple. La chaleur n’opère pas seule ces métamorphoses : certaines substances sont douées de la propriété de les provoquer et de modifier profondément la composition des milieux organiques où elles se trouvent placées ; ce sont les fermens. Ce qui les caractérise, c’est qu’ils agissent sous un volume et un poids très faible, et semblent ne pas intervenir chimiquement, c’est-à-dire par leurs propres élémens, dans les phénomènes qu’ils déterminent. De tout temps, le rôle particulier des fermens a été connu ; le levain nécessaire à la fabrication du pain n’est autre chose qu’un ferment.

Les fermens sont tous constitués par des substances quaternaires, c’est-à-dire composés des quatre élémens organiques : oxygène, hydrogène, carbone et azote ; ce sont des matières d’origine animale ou végétale, susceptibles d’éprouver la décomposition spontanée qu’on nomme quelquefois putréfaction. Pour faire comprendre l’importance des fermens, il suffira de dire qu’ils interviennent non-seulement dans le phénomène de la mort ou de la décomposition des organismes vivans, mais encore dans tous les actes de la vitalité.

Dans le règne végétal, la germination peut être assimilée à un acte de fermentation. La graine renferme une matière azotée qui, dans des circonstances particulières d’humidité, de chaleur et d’affluence de l’air, agit sur les autres parties du germe : les fonctions végétales se distribuent et se régularisent par degrés, grâce aux métamorphoses accomplies par le ferment, et la plante commence à vivre. Les phénomènes de maturation des fruits sont dus également à la présence d’un ferment. Enfin la transformation suprême du végétal, alors qu’il se détruit et que les organes sont usés, s’accomplit encore sous l’influence des matières fermentescibles. Dans le règne animal, la complication des phénomènes vitaux est plus grande ; mais il n’est pas douteux que la putréfaction cadavérique, la digestion, la dissolution des alimens amylacés par la salive et les liquides intestinaux, l’action du suc du pancréas sur les corps gras, du suc