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Une troisième source d’inspirations serait le cycle fabuleux et épique de la mythologie et des sagas Scandinaves, à la condition qu’un tel cycle devînt au préalable, par l’effort commun des critiques et des poètes, plus familièrement accessible à l’esprit public, ou bien qu’un artiste de génie en créât de vive force la popularité. Des efforts de talent ont été faits dans cette voie ; ils n’ont pas rencontré un succès incontesté, parce qu’en dehors d’une sphère étroite et locale les types qu’ils tentaient de reproduire n’étaient pas consacrés.

Restent donc deux inspirations véritables, celle de la gravité contenue des épisodes domestiques et celle d’une nature particulière et grandiose dont un groupe considérable de paysagistes et de peintres de marine se sont faits les interprètes. Par ce double lien commun et en dehors des autres sentiers, connus de tous, où ils ont pu s’exercer, les artistes du Nord ont formé une école vraiment originale, qui a triomphé auprès de certaines écoles étrangères. On l’a bien vu à Dusseldorf. On sait qu’il y a dans cette ville une académie de peinture, fondée depuis 1767, et qui attire des artistes de différens pays de l’Europe ; Cependant Dusseldorf, après la retraite de Cornélius en 1824, languissait ; l’école allemande qui y subsistait se laissait aller à un mysticisme sans élan et sans vigueur, qui a fait incliner sa peinture vers le genre incomplet et impuissant de l’imagerie religieuse. Tidemand et Gude ont seuls rappelé la vie par leur originalité. Ils y ont formé de nombreux élèves, venus comme eux surtout du Nord, après avoir admiré la même nature, respiré le même air des lacs et des montagnes, reçu la même éducation première, les mêmes préceptes religieux, les mêmes sentimens et les mêmes idées.

Le groupe des peintres du Nord est représenté à l’exposition de cette année par quelques œuvres de beaucoup de mérite ; tous les grands noms de l’école Scandinave n’y figurent pas, mais ceux qui y sont méritent d’être comptés parmi les principaux. M. Tidemand a envoyé de Dusseldorf un intéressant tableau : la Toilette de la Mariée. Le soin avec lequel l’auteur s’étudie à reproduire les détails curieux de la couleur locale pouvait devenir un danger, s’il n’y eût joint l’expression des sentimens ; le danger persistait, tout en changeant de nature, si les sentimens exprimés n’avaient pas tant de gravité contenue et de sincérité modeste. L’attitude pensive de la mariée, son regard pur et méditatif, son éloignement de toute coquetterie mondaine en ce moment solennel de sa vie, les mêmes caractères, en tenant compte des différences d’âge et de situation, empreints sur la figure déjà attentive et sérieuse de sa petite sœur, la joie attendrie qui anime la vieille mère, voilà qui agrandit la scène et l’élève en même temps. M. Tidemand s’était révélé en 1844 par un tableau d’histoire de moyenne grandeur : Gustave Vasa recevant le serment des Dalécarliens. Il s’est renfermé depuis dans le genre où il excelle aujourd’hui. Il s’est fait connaître du public français à la grande exposition de 1855, on s’en souvient, par son Enterrement norvégien à la campagne et par sa Prédication sectaire. Sa nouvelle apparition de cette année ne pourra qu’accroître sa réputation parmi nous.

Nous n’avons rien cette fois du peintre suédois Höckert, dont on avait admiré en 1855 le Prêche en Lappnie, rien de M. Nordenberg, de qui nous