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l’orge, le sarrasin et l’avoine. Cette disposition n’a en soi que peu d’importance, car il entre bien peu de ces grains. On avait cru que l’Amérique, qui produit d’immenses quantités de maïs, pourrait nous en envoyer beaucoup ; elle ne nous en envoie pas par la raison fort simple qu’elle en a besoin pour sa consommation, et que le prix du maïs à New-York est habituellement aussi élevé qu’en France. Il n’y a donc ici aucun intérêt de protection. Il nous paraît seulement contraire aux principes d’une bonne administration fiscale de laisser introduire en France une denrée quelconque sans payer de droits. Nous ne comprenons pas davantage pourquoi on ne soumet pas la sortie des blés à un droit de balance ; les blés seront pesés à la sortie dans tous les cas, et la règle économique veut qu’ils paient les frais de cette formalité. Si le droit d’entrée sur le froment était porté à 1 franc par quintal métrique, le droit sur les autres grains à 50 centimes, et le droit de balance pour l’exportation à 25 centimes, on arriverait, suivant toute apparence, à une perception de 4 millions par an sur les céréales, ce qui n’est pas à dédaigner quand les dépenses de l’état excèdent de beaucoup ses recettes.

Il se fait en ce moment en Belgique une tentative de propagande pour obtenir la suppression, non-seulement des droits protecteurs, mais même des droits fiscaux, à l’entrée des marchandises étrangères. Il se peut que la Belgique ait en effet les moyens de réaliser cette économie, comme elle a déjà obtenu celle des octrois. La véritable question est dans la proportion des recettes aux dépenses publiques. Si les recettes donnent un excédant, on peut l’employer à alléger les douanes, surtout en Belgique, où l’exiguïté du territoire national fait attacher une importance particulière à l’extension du commerce extérieur. C’est en disposant d’un excédant analogue qu’on a déjà pu se débarrasser des octrois, sans les remplacer par un impôt nouveau. En France, où les dépenses publiques ont excédé les recettes de plus de deux milliards depuis six ans, rien de pareil ne se peut et ne se pourra de longtemps. Au lieu de diminuer les impôts, il faut songer à les accroître. On ne fait pas impunément la guerre en Crimée, en Italie, en Chine, en Cochinchine ; on ne dépense pas impunément un milliard par an pour tenir son armée et sa flotte sur le pied de guerre, même quand on ne tire pas le canon. Plus heureuse dans sa médiocrité, la Belgique n’a pas eu les mêmes charges ; elle peut recueillir les fruits de la paix. Quant à nous, toute réduction apparente d’impôt ne peut être qu’un mensonge, puisqu’il faut retrouver d’une main au-delà de ce qu’on abandonne de l’autre. Quand même la réduction des dépenses publiques au-dessous des recettes donnerait les moyens de diminuer réellement les impôts, il est douteux qu’on dût commencer par les douanes ; le double décime