Page:Revue des Deux Mondes - 1861 - tome 32.djvu/988

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

il y a deux ans ; un grand nombre de comices agricoles des pays les plus producteurs ont fait de même. Voici maintenant le conseil d’état qui, après avoir longtemps hésité, se range à cette opinion, et le gouvernement qui proposé de la sanctionner par une loi ; il ne manque plus que l’adhésion du corps législatif pour que cette chimère surannée disparaisse de notre législation comme elle a déjà disparu de celle des pays voisins.

Il faut rendre cette justice aux gouvernemens antérieurs qu’ils n’ont consenti qu’avec peine à l’établissement de l’échelle mobile ; un parti puissant leur a toujours forcé la main, même sous la restauration. La loi de 1819, qui a eu l’initiative du système, venait à, peine d’être rendue que le ministère du duc de Richelieu proposa de l’adoucir en 1821 ; la commission de la chambre des députés répondit en l’aggravant encore, et le ministère se plaignit très nettement que la chambre eût empiété sur la prérogative royale en transformant à ce point sa proposition. « Faut-il donc, ajouta dans la discussion M. Siméon, ministre de l’intérieur, pour donner des débouchés aux grains de la Saône ou de la Garonne, obliger les départemens qui n’en recueillent pas assez à les acheter cher ? Faut-il les priver des secours que la mer leur offre ? On veut favoriser les propriétaires de l’intérieur, on a raison ; mais faut-il pour cela écraser les populations des côtes et les rendre tributaires de ces propriétaires ? Faut-il détruire notre commerce de blé dans le Levant, qui ne peut se faire qu’à Marseille ? Faut-il, par des dispositions exorbitantes, détruire les entrepôts qui peuvent être utiles en temps de disette ? Il ne s’en formera bientôt plus, si l’on ne peut espérer de les voir s’ouvrir de temps à autre, et aux jours de besoin on déplorera de s’être privé de cette ressource. »

On croyait alors que l’échelle mobile aurait la vertu de faire monter les grains à l’intérieur, et on fit la sourde oreille à ces observations du ministre. On ne se contenta même pas de droits progressifs, on y ajouta, en dépit de la résistance du gouvernement, la prohibition éventuelle des grains étrangers. Comme si la Providence avait voulu donner une leçon aux législateurs, le prix moyen du blé tomba en 1822 à 15 francs, et resta entre 15 et 17 francs en 1823, 1824, 1825 et 1826, malgré tous les droits protecteurs et toutes les prohibitions du monde.

Les choses restèrent ainsi jusqu’à la révolution de 1830. Le nouveau gouvernement commença par prendre plusieurs mesures provisoires qui modifièrent dans un sens libéral l’exécution de la loi de 1821 ; puis, au mois d’octobre 1831, M. d’Argout, ministre de l’agriculture et du commerce dans le cabinet présidé par M. Casimir Périer, apporta à la chambre des députés un nouveau projet qui modifiait radicalement cette loi.