Page:Revue des Deux Mondes - 1861 - tome 32.djvu/987

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

mobile s’est trouvée en même temps rétablie à Marseille et suspendue à Paris. Le gouvernement veut sortir enfin de ce régime incertain, capricieux, nuisible à tous les intérêts, et il a bien raison.

Non-seulement il faut le féliciter de substituer une solution légale et fixe à ces expédiens transitoires qui engageaient si gravement sa responsabilité, mais il nous semble avoir choisi le seul système qui puisse clore définitivement cette grande question. L’échelle mobile est un instrument usé, faussé, dont aucun gouvernement éclairé ne veut plus et que l’expérience a partout jugé sans appel. Nous n’essaierons pas d’analyser ici cette législation embrouillée qui, sous les apparences les plus raisonnables, cache une série de mystifications. Tout le monde la connaît aujourd’hui, au moins dans son ensemble, car nul ne peut se flatter de la comprendre suffisamment dans ses détails, tant elle abonde en obscurités, en surprises, en contradictions, en pièges de toute sorte. Diviser la France en quatre zones ou classes où le prix du blé est considéré comme étant toujours différent, c’est commencer par une hypothèse que les faits renversent de plus en plus, depuis que le progrès des communications tend à rapprocher tous les prix ; calculer ensuite l’état des prix courans dans ces zones par un. petit nombre de marchés régulateurs, c’est ajouter une fiction à une autre, car les mercuriales de ces marchés ne signifient rien depuis que les grains se vendent partout à la fois, même à domicile et sur échantillon ; établir sur cette base doublement incertaine des droits à l’entrée et à la sortie qui varient suivant les zones, c’est se parjer d’une nouvelle illusion, depuis que les grains peuvent facilement se porter d’une zone à l’autre pour éluder les droits ; prétendre enfin qu’à l’aide de tous ces mensonges on peut arriver à prévenir les excès de hausse ou de baisse, c’est aller directement contre les faits, car le prix des grains a passé, sous l’empire de cette législation, par des alternatives de hausse ou de baisse qui prouvent au moins son impuissance.

Depuis l’enquête qui a eu lieu en 1859 devant le conseil d’état, il n’est plus possible de se tromper sur les véritables effets de l’échelle mobile. Ces effets sont tout uniment contraires à ceux qu’on en attendait. Au lieu de soutenir le prix ordinaire des blés, elle tend à l’avilir, en mettant obstacle à l’établissement d’un commerce continu. Au lieu d’atténuer les alternatives de hausse ou de baisse, elle les aggrave, en ne permettant soit l’importation, soit l’exportation, que lorsque les prix ont déjà monté ou baissé à l’excès. Avec elle, tout arrive à faux, à contre-temps ; tout contribue à désorganiser le commerce et par conséquent à gêner tour à tour la production et la consommation. Les agriculteurs éclairés ne s’abusent plus aujourd’hui sur la valeur de ce mécanisme illusoire. La Société centrale d’agriculture, après une longue discussion, l’a condamné à une forte majorité,