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de Taman, et elle subsista sous la suzeraineté des grands princes de Russie jusqu’à une époque dont il est difficile d’indiquer le terme précis, mais qui ne dut pas dépasser la conquête mongole, vers le commencement du XIIIe siècle. Deux des généraux de Tchinguiz-Khan, Tchébé et Souboutaï, pénétrant dans le Caucase par le défilé de Derbend, battirent les lasses, les Lezghis et les Tcherkesses, ligués avec les Turks du Kiptchak, et de là allèrent saccager la Russie méridionale. Cette expédition n’était que le prélude d’une seconde invasion bien plus désastreuse, qui livra aux flammes les villes les plus florissantes de la Russie, à la mort ou à l’esclavage plusieurs milliers de ses habitans. Les Mongols se répandirent, comme un torrent irrésistible, dans la Pologne, la Hongrie et jusque dans la Dalmatie. à la suite de ces triomphes, le chef de cette expédition, Batou, petit-fils de Tchinguiz-Khan, s’établit au nord de la Mer-Caspienne, et devint là tige des khans de la Horde-d’Or. La Russie resta courbée pendant près de deux cents ans sous la dure et humiliante oppression de ces Asiatiques, jusqu’à ce que la glorieuse victoire de Dmitri Donskoï sur Mamaï-Khan eut préparé son affranchissement. Sous les Mongols, ses princes apanages étaient devenus les humbles esclaves des khans. Ils accouraient à l’ordou impérial pour prêter hommage, acquitter le tribut, rendre compte de leur conduite et faire juger leurs différends, ou, lorsqu’ils en étaient requis, pour servir dans les armées tartares. En 1277, les Ilasses du Caucase s’étant révoltés, Boris de Rostov, Gleb de Bêlo-Ozero, Fédor de Yaroslavl, André de Gorodets, fils d’Alexandre-Nevski, et d’autres encore se rendirent auprès du khan Mangou-Timour pour l’aider contre les rebelles. Les Iasses furent défaits, et leur capitale, Dediakov, située un peu au-dessus du Térek et du défilé de Dariel[1] dans le Caucase central, fut emportée d’assaut et brûlée. Un autre conquérant tartare, le féroce Timour (Tamerlan), tourna à son tour ses armes contre le Caucase. Son biographe, Schéref-Eddin Yezdi, raconte qu’après avoir terminé la guerre chez les Russes, il marcha en 1397 contre les Tcherkesses du Kouban. Se frayant une issue à travers les bois et des défilés inaccessibles, il arriva auprès de l’Elbrouz, et vainquit Youri-Berdi et Yerakin, chefs des lasses.

Inquiétés du côté du nord, les Tcherkesses n’étaient point non plus en repos du côté des Géorgiens. Les édifices chrétiens dont les

  1. Le récit de cette expédition est donné par la chronique du monastère Voskrecenskii, ou de la Résurrection, dans la Collection complète des chroniques russes, t : VIII, p. 175. — J’ai suivi pour la position de Dediakov l’opinion de Klaproth Voyage au Caucase, t. II, p. 447-448, notes, comme me paraissant préférable à celle de Karamzin, qui place cette ville dans le Daghestan méridional.