Page:Revue des Deux Mondes - 1861 - tome 32.djvu/859

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

eux. Tout le monde ici pense que ce magistrat (sir Ed. Herbert) est en grand danger, et on se demande si, pour lui venir en aide, sa majesté ne cédera point[1]. De Hampton-Court le roi s’est rendu à Windsor. de Windsor il doit aller à York. Quand le reverra-t-on à Londres et comment y reviendra-t-il ? Dieu seul le peut dire[2].

Dès ce moment l’Angleterre est en guerre civile. La reine se dispose, m’assure-t-on, à s’embarquer pour la Hollande, où elle emmène sa fille et va chercher à se procurer de l’argent en donnant pour gages les diamans de la couronne. La famille royale se trouve fort dépourvue. J’ai lu dans certaines dépêches confidentielles que ses serviteurs sont mal payés, et que le prince-électeur a manqué plus d’une fois des objets les plus nécessaires, de vin pour sa table, de bougies pour son cabinet. Le vide se fait autour du monarque. Mylord Essex et mylord Holland ont offert leurs démissions des grandes charges qu’ils occupaient (comme lord chambellan et premier gentilhomme de la chambre) pour venir vaquer ici à leur office parlementaire. Lady Carlisle n’a pas eu de peine à faire passer de ce côté son frère Northumberland. Warwick est aussi parmi les convertis. Vous voyez que la trahison est de mode en assez bon lieu.

On a vainement, à plusieurs reprises, essayé de provoquer une démarche du parlement auprès du roi pour en venir à une réconciliation. Les chefs du mouvement ne se sentiraient plus en sûreté après de si grandes victoires, s’ils laissaient la moindre chance à un prince qui leur a marqué un mauvais vouloir si obstiné. Cédât-il aux conditions les plus dures, ils savent que ce serait à regret, et sans se croire lié par des promesses que la force lui aurait arrachées. M. Pym lui-même, qui, avant l’accusation portée contre lui, était simplement attaché au maintien des droits parlementaires, me semble à présent bien changé. Il en convient d’ailleurs, et voici ce qu’il disait l’autre jour devant moi chez milady Carlisle : « Quand j’ai vu qu’on en voulait à ma vie, et qu’on me proscrivait comme traître pour m’être dévoué corps et âme au service du pays, quand j’ai appris que, contre tout privilège, le roi lui-même, à la tête de gens armés, venait me chercher jusqu’au sein des communes, tandis que je n’avais jamais nourri une seule pensée hostile contre sa majesté, ni aucune intention préjudiciable à l’état, j’ai cru pouvoir prendre soin de ma vie et me réfugier sous la protection du parlement…

  1. L’attorney general fut, par bill du parlement, privé du droit de siéger ou de parler devant aucune des deux chambres, et de plus envoyé dans la prison de la Flotte. Son maître l’abandonna à son malheureux sort.
  2. Charles Ier ne revit la capitale de son royaume que dans les premiers jours de janvier 1649. Le 20, il fut mis en jugement, et dix jours plus tard il montait sur l’échafaud de White-Hall.