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dans le silence le plus absolu. Encore ne vois-je pas, dans le récit du clerc de la chambre, ce dont j’ai parfaite souvenance : c’est qu’après avoir demandé M. Pym, sa majesté, un peu décontenancée, s’enquit encore de M. Hollis. Et comme on ne répondait pas plus à cette question qu’à l’autre, elle se tourna vers le speaker, lui ordonnant de parler. Alors il y eut un moment de grande inquiétude, car ce M. Lenthal est un homme timide, très-déférent aux volontés royales, et qui récemment encore demandait à être déchargé de son office, qu’il trouvait trop difficile et dangereux. Pourtant cet homme si peu résolu trouva dans la crise présente des paroles qu’on n’eût jamais attendues de lui. S’agenouillant devant le roi : — Sire, lui dit-il, que votre majesté me pardonne ; mais ici je ne puis ni voir ni parler, si ce n’est par ordre de la chambre. — C’est bon, c’est bon, et peu importe, répondit le roi ; mes yeux, je pense, valent ceux d’un autre. — Et c’est après un long regard jeté de tous côtés qu’il reprit, comme vous l’avez vu, sa harangue. Dès qu’elle fut close, comme personne ne faisait mine de bouger ni de parler, le roi, d’un air mécontent, descendit les degrés et s’en alla, suivi du prince-électeur. À mi-route du fauteuil à la porte, il s’arrêta et reprit encore : « J’attends que vous m’envoyiez ces hommes !… Sans cela, sans cela,… je prendrai moi-même des mesures pour les trouver. Leur trahison est abominable, et telle que vous me remercierez tous de l’avoir découverte. »

Le silence pourtant n’était plus le même, et les membres du parlement s’enhardissaient peu à peu. Plusieurs murmuraient assez haut pour qu’il arrivât aux oreilles royales le mot de privilège ! privilège ! Les reformados, de leur côté, faisaient entendre des exclamations de désappointement. On voyait que la partie manquée leur tenait assez à cœur pour qu’ils eussent volontiers, au premier signal, fait voir le jour à leurs rapières et déchargé leurs pistolets en la salle. Nul doute qu’il ne fût arrivé quelque malheur, si, les cinq membres étant présens, on eût refusé au roi de les lui laisser emmener. Je ne crois même pas, tant quelques-uns de ces matamores étaient échauffés, qu’ils eussent attendu l’ordre du roi ; ils se fussent jetés sur l’assemblée, et le roi lui-même ainsi que son neveu eussent peut-être, dans la bagarre, couru de véritables dangers. Pourtant ils s’éloignèrent sans coup férir, laissant force gens bien étonnés d’en être quittes à si bon marché. J’en connais de cette assemblée qui, le jour même, firent leur testament, pensant bien que la bataille si rudement engagée ne se terminerait point sans quelque carnage. Le roi parti, M. Lenthal donna ordre de fermer les portes, et demanda à la chambre s’il fallait qu’il présentât son rapport sur les paroles de sa majesté. — Point ! point ! s’écria un des membres (sir John Hotham), nous les avons entendues suffisamment.