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des communes et l’un des pairs du royaume sous sept chefs distincts[1]. Un grand trouble, une grande agitation suivirent le dépôt de cette pièce importante, que l’attorney general prétendait lui avoir été remise, sans avis préalable, toute rédigée et tout écrite. Les lords semblaient atterrés. Toutefois ils ne voulurent point permettre au magistrat, ainsi qu’il le requérait, de « prendre possession immédiate des accusés. » Élevant au contraire quelques doutes sur la régularité de l’accusation, ils désignèrent quelques-uns d’entre eux, non pour procéder à l’enquête réclamée par l’homme du roi, mais pour réunir les précédens et. traditions relatifs à un si grave incident. En même temps ils dépêchaient aux communes un message pressant, et leur demandaient une conférence immédiate. Or ces mêmes lords, dans plusieurs occasions toutes récentes (notamment pour la dernière pétition envoyée au roi), s’étaient refusés aux instances des communes, qui leur demandaient de se joindre à elles ; mais, devant la menace royale et l’atteinte qui pouvait détruire les privilèges parlementaires, la nécessité de s’unir leur semblait urgente. En attendant la réponse au message, le seul lord compris dans l’accusation (lord Kimbolton) se leva pour repousser les charges portées contre lui. Justement à son côté siégeait le lord Digby, fortement suspect d’avoir connu d’avance l’accusation, et qui, dit-on, s’était même chargé de proposer l’emprisonnement de son collègue. Il parut surpris de trouver Kimbolton si ferme et si prêt à la riposte, ce qui n’eût peut-être pas été si, le matin même, un pauvre diable de poète, nommé Marston, prisonnier pour dettes, ne l’eût averti secrètement de la trame, qu’il avait découverte Dieu seul peut savoir comment. Cette assurance inattendue déconcerta Digby, qui, manquant à sa promesse, n’osa point appuyer l’accusation. Bien mieux, comme il voyait le sentiment de la chambre, il affecta une grande surprise. Et même, quand l’attorney general eut achevé sa réplique, se penchant à l’oreille de Kimbolton : « Le roi est mal conseillé, lui dit-il ; mais je finirai bien par découvrir qui

  1. 1° Tentative pour renverser le gouvernement et les lois fondamentales, 2° rédaction de la remontrance, calomnies contre sa majesté, excitation à la haine du roi et de son autorité, 3° tentative pour détourner l’armée de la fidélité due au souverain, 4° invitation à une puissance étrangère (les Écossais) d’envahir le royaume de sa majesté, 5° attaque aux droits et à l’existence même des parlemens. — L’impeachment empruntait ce grief, dans ses termes mêmes, à la minorité qui avait vainement voulu faire enregistrer une protestation contre le vote de la grande remontrance, et qui s’était plainte, en cette occasion, que les droits et l’existence du parlement fussent mis en péril par le refus qu’on lui opposait. — 6° tumultes fomentés contre l’autorité royale, 7° enfin conspiration traîtreusement ourdie pour faire déclarer la guerre au monarque. — Le brouillon manuscrit de cet acte d’accusation, de l’écriture du secrétaire d’état Nicholas, existe encore dans le State Paper office. M. Forster le donne textuellement, en respectant l’orthographe du temps, et même celle du ministre. — Arrest of the five Members, p. 114.